l’enthousiasme qu’a excité le succès de ces hardis pionniers de la navigation à vapeur. Désormais le problème est résolu : il est bien démontré qu’un bâtiment à vapeur peut faire directement le trajet d’Angleterre aux États-Unis, c’est-à-dire (et c’était là que gisait la difficulté), se pourvoir d’une quantité suffisante de charbon pour cette immense traversée.
Le Sirius a, le premier, ouvert la voie ; 18 jours lui ont suffi pour le trajet. Parti, le 4 avril, de Cork (Irlande), il arrivait devant New-York le 22 au soir. À peine mouillait-il dans le port, aux acclamations des Américains, qu’un plus vigoureux athlète, le Great-Western, navire monstre, parti de Bristol le 8 au matin, apparaissait triomphant et fier de sa course de 14 jours.
La contenance du Great-Western est de 1,604 tonneaux, il est armé de deux machines ayant ensemble une puissance de 450 chevaux ; ses 4 chaudières pèsent 180 tonnes, et sont entourées d’une chambre en fer contenant 900 tonnes de charbon, qui lui garantissent 25 jours de marche. Tout l’appareil mécanique pèse 470 tonnes.
Le Great-Western a 240 pieds de long sur 58 de large avec les roues. Celles-ci ont 38 pieds de diamètre. On peut, par la comparaison, se rendre compte de l’aspect de ce géant des steamers, en songeant qu’il excède la longueur et la force d’un bâtiment de guerre de 80 canons, et qu’outre ses deux vastes cheminées vomissant des torrens de fumée, il porte 4 puissans mâts dont la voilure est destinée, à l’occasion, à favoriser sa marche. À la machine du Great-Western est attaché un instrument ingénieux appelé indicateur, et constatant le nombre de coups de piston qu’elle a donnés, et par suite la somme des rotations décrites par les roues ; ce nombre a été, dans son dernier voyage, de près de 283,000, soit 19 environ par minute, ce qui, d’après les calculs établis sur la circonférence des roues, équivaut à 17 milles anglais (27 kilomètres 350 mètres) par heure, ou 12 nœuds, chiffre qu’il faut réduire, en raison de l’inégalité de la marche, à une moyenne de 14 milles, ou 5 lieues et demie à l’heure.
Jetons maintenant un coup d’œil sur l’intérieur du navire. Le salon, magnifiquement décoré par Parris, et orné de peintures allégoriques, dans le style de Watteau, qui rappellent toute la somptuosité du siècle du grand roi, occupe 82 pieds de long sur 34 de large ; ses dorures, ses glaces encadrées dans des imitations de porcelaines, ses éclatans tapis, ses riches divans, éblouissent les regards, et ne sont pourtant rien encore, pour le luxe et la beauté, auprès de l’appartement réservé aux dames, lequel est placé à l’extrémité de cette vaste salle. Une foule d’autres pièces, chambres, chapelle, salle de conseil, etc. présentent, à un haut degré, cette magnificence utile et comfortable dont les Américains et les Anglais ont depuis long-temps donné l’exemple. 150 lits y sont réservés aux passagers, et cependant, malgré tout cet immense matériel, il y a place pour un chargement de plus de 200 tonneaux. Le fret pour l’aller est de 35 guinées (880 fr.), table comprise, et de 30 (750 fr.) pour le retour. Moins aristocrate dans ses allures, le Sirius a,