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NAVIGATION À LA VAPEUR.

par lieue et par tonne, 21 cent., et 8 à 10 cent. seulement sur l’Ohio et le Mississipi. Quant aux voyageurs, il y a eu (et il y a probablement encore), entre New-York et Albany, des bateaux meublés et équipés avec le plus grand luxe, qui ne prenaient que 2 fr. 65 c. pour un trajet de 55 lieues, c’est-à-dire moins de 5 cent. par lieue. Le Diamant, magnifique bateau de 255 pieds, avait même des places à 2 centimes. Les bateaux anglais de Londres à Calais prennent communément aux secondes places 10 cent. par lieue. Quant aux nôtres, ils se tiennent, pour les voyageurs, entre 11 et 25 c. par lieue pour la première chambre, et 20 et 30 pour la seconde.

Sûr et rapide à la fois, le mode de voyager qu’offrent les bateaux à vapeur est celui dont on peut doter le pays aux moindres frais. Il a d’ailleurs sur les diligences et même sur les chemins de fer un avantage notable, c’est de laisser au voyageur le libre usage de ses mouvemens, et d’enlever à une longue traversée tout ce qu’elle peut avoir de fatigant et de monotone. Les Américains, ces enthousiastes utilitaires, apportent dans la construction de leurs bateaux à vapeur un luxe artistique et une élégance dont on se rendrait difficilement compte si l’on ne savait tout ce que la concurrence peut avoir de productif, et si l’on ne connaissait d’ailleurs les admirables facilités que leur donne la profondeur de leurs fleuves. Rien n’est beau, gracieux et comfortable comme ces courriers navigateurs de l’Hudson qui incessamment font échange de populations entre New-York et Albany.

De toutes les considérations qui précèdent, nous sommes amené à conclure que la navigation à vapeur peut, en beaucoup de cas, être l’utile appendice des lignes de chemins de fer, et former avec celles-ci un système mixte de communications qui, beaucoup moins coûteux que des lignes continues de chemins de fer, assurerait aux denrées et aux hommes un transport suffisamment rapide. C’est une pensée qui a été récemment émise et appuyée de toute l’autorité des faits, dans une publication que nous avons déjà citée plus haut (Intérêts matériels). Mais il est au développement de notre système de viabilité en général, et de la navigation à vapeur en particulier, deux conditions indispensables : 1o l’abaissement du prix des fers ; 2o l’extension de l’exploitation de la houille, et l’établissement de communications spéciales par canaux ou chemins de fer, qui puissent desservir efficacement nos gites houillers. Le fer et la houille, voilà le pain quotidien de l’industrie. Sans la houille à bas prix, point de bateaux à vapeur sur nos fleuves et rivières ; sans le fer, nous serons contraints de nous passer de bateaux perfectionnés.

Le fer, jusqu’ici symbole de la guerre, le fer, aujourd’hui l’une des premières richesses de l’ère pacifique dans laquelle nous entrons, le fer étend et multiplie sans cesse ses usages. Nos routes se bordent de rainures de fer ; nos ponts s’élancent suspendus sur des cordages de fer, ou s’appuient, comme celui de Cubzac, sur des piles de fer ; la pierre de nos monumens cède en partie la place au fer, qui s’élance en sveltes colonnettes ou se découpe en pendentifs légers, en fenêtres ogivales, pour remplacer les clochers de nos