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NAVIGATION À LA VAPEUR.

PROGRÈS ET ÉTAT PRÉSENT DE LA NAVIGATION À VAPEUR,
EN ANGLETERRE, EN FRANCE ET AUX ÉTATS-UNIS.

Vers la fin de l’été de 1807, quelques habitans d’Albany, arrêtés sur les bords de l’Hudson, se divertissaient fort à regarder, non sans échanger entre eux maintes réflexions moqueuses sur l’objet de leur passe-temps, une embarcation dépourvue de voiles et de rames, mais munie d’un long cylindre vertical d’où s’échappaient bruyamment des flots de fumée, et garnie sur ses flancs d’un système de roues à palettes assez semblables à celles d’un moulin. C’était tout simplement Fulton, qui, mettant en pratique les enseignemens de ses devanciers, faisait dans le Nouveau-Monde l’essai de la machine à vapeur appliquée à la navigation. Si l’on eût dit aux bourgeois d’Albany que, trente ans plus tard, ce disgracieux esquif, devenu un immense navire de 1,600 tonneaux, leur apporterait, en douze ou quatorze jours, des journaux datés de Bristol ou de Liverpool, assurément ils auraient haussé les épaules, et souri, pour toute réponse, au rêveur qui leur eût fait cette belle prédiction.

Telle est la marche de notre siècle : à une nouveauté en succède une autre ; la surprise du jour efface celle de la veille. Et toutefois, il ne faudrait pas trop rire des rieurs de l’Hudson ; car que de bons et grands esprits se sont laissés prendre à ce genre d’incrédulité ! On se rappelle les spirituelles plaisanteries qu’inspirait vers la même époque à sir Walter Scott l’idée, fort bizarre alors à ses yeux, de l’éclairage par le gaz ; et cela deux années seulement avant que la respectable Oil-Gaz-Company vînt solennellement déposer entre les mains de l’illustre romancier converti, le titre d’administrateur de son important établissement.

Mais si d’un côté il est des esprits dont la prudence se refuse à accueillir la possibilité de certains progrès, il en est d’autres qui, par une sorte d’inspi-