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SOUVENIRS D’ÉCOSSE.

Lady Mac-Lean mit au monde un enfant mâle.

Heureusement pour la pauvre mère et le nouveau-né, la femme de Mac-Lonish, qui s’était liée d’amitié avec la veuve de Mac-Lean, accoucha d’une fille le même jour que celle-ci accouchait d’un garçon ; le dévouement de Mac-Lonish à Lochiel son chef n’avait pas éteint chez lui tout sentiment d’humanité : il écouta les prières des deux femmes, et, se prêtant à une généreuse supercherie, il substitua sa fille au fils de lady Mac-Lean, dont sa femme fut censée être la mère.

L’héritier de Mac-Lean, sauvé de cette façon, recouvra dans la suite les domaines de ses pères ; ce fut pour reconnaître la généreuse pitié de Mac-Lonish qu’il fit de son château un lieu de refuge pour tous les Mac-Lonish, contractant, en outre, l’engagement de nourrir, d’élever et de protéger l’héritier direct de cette famille jusqu’à sa majorité, comme il avait été élevé, nourri et protégé par leur père.

Dans la suite, ce droit d’asile fut plus d’une fois invoqué, et toujours accordé avec empressement ; la dernière demande de protection réclamée par un Mac-Lonish date de 1743. Elle fut faite par un homme du clan des Mac-Lonish qui s’appelait Owen Caméron, et que Lochiel, son seigneur, poursuivait comme complice du meurtre de Mac-Martin. Le laird de Mac-Lean brava les menaces et la colère de Lochiel, et donna asile au meurtrier. De nos jours, le droit d’asile n’existe plus ; les lois nouvelles l’ont supprimé ; mais la partie de l’engagement des lairds de Mac-Lean, qui n’est pas contraire à ces lois, est toujours religieusement exécutée, et, par une réciprocité touchante, le laird de Coll, héritier des Mac-Leans, élève toujours dans sa maison comme un de ses propres enfans l’héritier des Mac-Lonish.

Avant que nous fussions de retour à Tarbet, la nuit était devenue profonde ; les histoires de meurtres et de supplices que nous racontaient nos compagnons nous remplissaient de pensées tristes ; les élémens d’ailleurs s’étaient mis à l’unisson de ces lugubres souvenirs, le vent soufflait avec fureur entre les rochers, et le ciel versait les torrens d’une pluie glaciale. Quand le sentier que nous suivions se rapprochait des plages solitaires de Jura, les mugissemens de la mer nous assourdissaient, et ses vagues lourdes et phosphorescentes, se déroulant avec fracas sur les grèves rocailleuses, venaient bondir aux pieds de nos chevaux, et les couvraient de leur écume.

L’hospitalité de notre hôte de Tarbet, à laquelle le comfort n’était plus étranger, nous tira de nos idées sombres, et nous fit oublier nos fatigues. Quoi de plus réjouissant en effet qu’un excellent souper, servi au coin d’un bon feu, à quelques pas d’un bon lit, surtout après nos repas sur les rochers de Mull et nos lits de bruyère d’Iona !

Le lendemain, au point du jour, nous montions à bord de l’Aigle, beau steamer qui revenait de Long-Island et qui se rendait à Glasgow.


Frédéric Mercey