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lui sont pas commandés par son honneur et seraient en contradiction avec le caractère général de sa politique. Mais il ne faut pas non plus que ses relations de commerce et que la sécurité de ses nationaux au dehors souffrent trop long-temps d’injustices non réparées, et que les satisfactions se fassent trop attendre. À cette nécessité se rattache celle de montrer plus souvent aux nouveaux états de l’Amérique du sud le pavillon de notre marine militaire. Un déploiement plus fréquent de nos forces navales les dispensera fréquemment d’agir, et notre navigation marchande, nos rapports de commerce, l’établissement des Français sur l’autre rive de l’Atlantique, prendront un essor immense, utile à nos intérêts, comme avantageux pour notre gloire ; car c’est chez nous une conviction profonde que ce vaste continent de l’Amérique du sud est appelé à de grandes destinées, mais que, pour les remplir, il a besoin d’une continuelle infusion des lumières et de l’activité de la vieille Europe.

Ce serait peut-être ici le lieu d’esquisser le caractère de l’Américain du sud, race mélangée de sang indien, nègre, espagnol ou portugais, qui se croit la première nation du monde, et dont un immense orgueil n’est pas le moindre défaut, parce qu’il en produit et en éternise beaucoup d’autres. On serait obligé de dire que cet orgueil n’est pas justifié par d’assez grandes qualités, soit comme individus, soit comme peuples, malgré l’expulsion des Espagnols. Il faudrait signaler chez l’Américain du sud une déplorable absence de moralité, qui remonte de la vie privée dans la vie publique, et qui mène à l’extinction de tout patriotisme, il faudrait parler de cette mollesse d’esprit et de corps, qui fait que sous le rapport du matériel de la civilisation et dans des contrées si éminemment favorisées de la nature, on est resté prodigieusement en arrière des pays de l’Europe les moins avancés. Il y aurait lieu, sans doute, à reconnaître ici d’honorables exceptions, et ce n’est pas un niveau qui pèse également sur toutes les têtes. Mais bien peu le dépassent ; et les hommes que leur caractère et leur éducation distinguent du reste de leurs concitoyens ne sont ni les plus orgueilleux, ni les plus puissans, sur des populations qu’on domine plutôt en partageant leurs défauts et en flattant leurs préjugés. Nous ajouterions cependant, pour être justes, que dans cette longue guerre de l’indépendance qui s’est terminée par l’affranchissement des anciennes colonies espagnoles, les Américains ont souvent montré du courage ; mais nous ne nous chargerions pas d’expliquer comment cette qualité peut se concilier avec ce grand nombre d’assassinats qui épouvantent les étrangers dans toute l’étendue de l’Améri-