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l’égard de tous les étrangers, une espèce de système général, qui consiste à les laisser le plus possible piller, vexer et assassiner impunément, comme si l’on avait formellement l’intention de les pousser à quitter le pays.

De ce que la neutralité des puissances européennes dans les guerres civiles de l’Amérique ne leur a pas été plus utile, ne pourrait-on pas justement conclure qu’elles en ont poussé trop loin l’observation ? ne pourrait-on pas se demander s’il est bien nécessaire d’appliquer rigoureusement à des états naissans, à des républiques mal organisées, à des sociétés presque en enfance, ce principe de non-intervention, aussi équitable que salutaire dans les rapports mutuels de grands peuples, égaux en lumières, en forces, en institutions sociales ? À la neutralité gardée jusqu’à ce jour entre les partis, je suis assurément bien loin de croire qu’on doive substituer l’intervention armée, ou le constant exercice d’un protectorat avoué en faveur de tel ou tel gouvernement ; mais, quand une révolution a porté au pouvoir un parti, ou un chef de parti plus éclairé, plus moral, plus capable de relever sa nation et de rétablir sa prospérité, serait-ce donc un grand crime que commettraient l’Angleterre ou la France, si elles lui prêtaient, sous quelque forme que ce soit, un appui sérieux et désintéressé ? ne serait-ce pas, au contraire, l’accomplissement du devoir que leur impose leur supériorité de puissance, de lumières et de civilisation ? Cette idée d’une haute protection, si plausible et si simple en théorie, en fait rencontrerait peut-être de graves difficultés. Nous le reconnaissons ; et cependant tous les hommes politiques qui se sont occupés des affaires de l’Amérique du sud savent que les meilleurs esprits de ces malheureuses contrées ont souvent réclamé pour leur patrie une protection de ce genre, qu’ils ne la trouveraient point humiliante, et qu’ils la regarderaient comme le seul moyen de consolider leurs institutions et de mettre un terme à des agitations non moins funestes que honteuses[1].

L’examen des griefs actuels de la France contre le Mexique nous suggère une seconde observation. La plupart de ces griefs remontent

    déterminer le congrès à prendre des mesures satisfaisantes relativement à la dette anglaise, M. Cuevas a déclaré que c’était le seul moyen de rétablir les relations de commerce et d’amitié, si gravement altérées par le manque de foi du Mexique envers ses créanciers étrangers.

  1. M. de Chateaubriand a indiqué, dans le Congrès de Vérone, un plan qu’il avait formé pour établir en Amérique des princes de la maison de Bourbon ; mais il n’a pas dit à quelle branche de cette maison il comptait demander des souverains pour les anciennes colonies espagnoles, et probablement ce projet n’était pas encore, en 1823, suffisamment étudié et mûri dans son esprit. Quoi qu’il en soit, cette idée survécut à son ministère, et traversa toute