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tisme, qu’il ne serait pas équitable de passer sous silence, quoiqu’ils ne puissent être mis sur la même ligne que les travaux de MM. Ravaisson, Michelet et Barthélemy Saint-Hilaire ; ce sont des thèses de jeunes docteurs de l’Université de Paris. La thèse de M. Vacherot sur la théorie des premiers principes selon Aristote ; deux morceaux de M. Jacques, le premier sur Aristote considéré comme historien de la philosophie, le second sur la critique qu’a faite le Stagyrite du système de Platon, une thèse de M. Martin sur la poétique d’Aristote, témoignent tant de l’aptitude de leurs rédacteurs que des fortes études qui se font à Paris pour l’histoire de la philosophie et pour la connaissance du péripatétisme.

Il n’est pas inutile que Paris, au XIXe siècle, renoue avec Aristote, et il importe que le péripatétisme occupe de nouveau l’esprit français. Nous n’avons au surplus ici qu’à invoquer nos souvenirs ; nous pourrions sur les hauteurs de Sainte-Geneviève, et dans des recoins du quartier latin, éveiller des échos qui nous renverraient les paroles des grands docteurs du XIIe et du XIIIe siècle. Paris a toujours été la ville de la pensée ; toujours aussi il a été l’objet de l’enthousiasme des uns et de la fureur des autres. Des contemporains d’Abailard ont écrit que l’Égypte, Athènes doivent céder la priorité à Paris où on accourt de toutes parts puiser la sagesse terrestre et céleste. Mais aussi d’autres s’écriaient : Ô Paris, ô source de tout mal, ô flèche de l’enfer ! Ne croirions-nous pas assister aux propres débats de notre siècle où l’apothéose et la malédiction s’entrechoquent dans l’air ! C’est une gloire vivace que celle qui, à huit cents ans de distance, retrouve les mêmes louanges et les mêmes injures.

La partie logique du péripatétisme est irrévocablement acquise à l’humanité qui avait débuté par le raisonnement instinctif, et pour laquelle Aristote s’est donné la peine de construire scientifiquement la logique. Sans y songer, nous vivons aujourd’hui sur les bases qu’il a posées, et nous appliquons à la nature et à l’histoire l’éternel syllogisme. La logique, une fois introduite dans le monde chrétien, a dissous le moyen-âge : les emportemens de quelques pères de l’église, d’Épiphane, de Grégoire de Nazianze et, plus tard, de Lactance et de Sidoine Apollinaire, étaient prophétiques. Le plus illustre des catholiques, saint Bernard, avait sondé l’abîme, quand il se glorifiait de ne rien comprendre aux arguties d’Aristote, et cependant il était tellement impossible d’échapper à la logique, qu’au milieu du XIIIe siècle, le légat romain, chargé de reformer l’Université de Paris, autorisait formellement l’étude de l’Organon, en défen-