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bile est le corps. Mais le mobile ne peut pas de lui-même entrer en acte, et se mettre en mouvement. La mobilité est une puissance passive : pour la porter à l’acte, il faut une puissance active. Dans le mobile est le mouvement ; dans le moteur est l’action.

Mais il y a des choses qui se meuvent elles-mêmes, qui ont en elles et le principe passif, et le principe actif du mouvement. La nature est l’essence ou la forme substantielle de tous ces êtres qui se meuvent eux-mêmes. Le mouvement qui pousse incessamment la matière au développement parfait de ses puissances n’est pas autre chose que la vie. Le principe intérieur du changement, de la chaleur et de la vie, c’est l’ame qui n’est pas le corps, mais qui sans le corps ne saurait être, car elle en est l’acte, car elle est la forme de l’organisme.

Quant à la nature, elle ne se dégage que par degrés des liens de la matière et de la nécessité. La première forme de la vie est la végétation. Le second degré de la vie est le sentiment. Outre les cinq sens, il y a un sens général qui est à la fois leur limite, le terme moyen qui les mesure tous, et qui, à sa plus haute puissance, constitue l’entendement. Le dernier terme de la nature est l’humanité, qui est le résumé de tous les règnes et de toutes les époques.

Le bien de toute chose est sa fin : l’ame est la fin du corps, l’action la fin de l’ame. Le premier de tous les biens est l’exercice de l’activité naturelle de l’ame. Le plaisir le plus pur et en même temps le plus durable est dans la libre action qui distingue l’homme de la bête. Le bien et la félicité n’appartiennent à l’homme même qu’à l’âge où la sensibilité est devenue entendement, à l’âge de la volonté, de la raison, au moment de la perfection et de la maturité de la vie. Pour vivre vraiment, il faut une activité soutenue de l’ame. L’ame se plaît dans l’action ; plus elle agit, plus elle désire agir. Seule, l’ame ajoute à la nature, et se donne à elle-même les formes supérieures de la science, de l’art et de la vertu. Mais on oublie la science, même l’art ; la vertu ne craint pas l’oubli.

Le bien moral est le milieu entre deux excès ; mais il n’est pas seulement un milieu, il est le bien. L’apprentissage de la vertu est l’action ; la pratique ne s’explique pas par les abstractions de l’entendement. La nature, l’habitude, la raison, voilà les trois degrés nécessaires à l’homme.

Au-dessus de la vertu morale s’élève la vertu de l’entendement. Les vertus morales ont besoin d’être régies par l’intelligence qui prescrit et gouverne, la vertu architectonique de la sagesse pratique, la prudence, φρόνησις.