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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

les provinces russes, et le général Paskewitch passa l’Araxe, pour forcer l’ennemi à s’éloigner des bords de ce fleuve, d’où il pouvait trop aisément inquiéter et piller le Karabagh. Toutefois l’approche de l’hiver l’empêcha de tenter une attaque décisive. Sur ces entrefaites, le gouvernement de la Géorgie fut ôté à Yermolof par l’empereur et donné à Paskewitch.

Le nouveau commandant en chef dirigea toute son attention vers l’importante forteresse d’Erivan, capitale de l’Arménie persane : mais la saison ne lui permettant pas encore de se mettre en campagne, il commença par assurer ses derrières en détachant de la Perse l’ancien khan de Karabagh et celui du Chirvan, personnages très influens dans ces provinces, qui firent leur paix avec la Russie moyennant le titre de généraux russes et une indemnité considérable en terres pour leurs souverainetés[1]. Quand le fort de l’hiver fut passé, il envoya son avant-garde, sous les ordres de Benkendorf, pour prendre possession du couvent fortifié d’Etchmiadzin, résidence du patriarche des Arméniens. Les Russes s’en emparèrent après un combat dans lequel l’avantage leur resta. Benkendorf alla, quelques jours plus tard, occuper les faubourgs d’Erivan, et battit un corps persan sorti de la forteresse de Serdarabad. Au commencement de juin, Paskewitch se mit en mouvement, laissa une division pour occuper Etchmiadzin, entra dans Naktchivan, et alla au sud-est de cette ville assiéger la forteresse d’Abbas-Abad, située sur la rive gauche de l’Araxe. Plusieurs tribus nomades de ce pays se soumirent aux Russes, ce qui enleva aux Persans un grand nombre d’excellens soldats. Abbas-Mirza vint avec un corps de quarante mille hommes pour secourir Abbas-Abad ; mais Paskewitch se porta à sa rencontre, passa l’Araxe, malgré les obstacles que présentait la rapidité du fleuve et l’escarpement de ses bords, et battit complètement l’armée persane. Il repassa aussitôt l’Araxe pour se rapprocher de la forteresse assiégée, fit placer sur la principale batterie les drapeaux enlevés aux Persans, et envoya un prisonnier pour annoncer sa victoire à la garnison. Les assiégés perdirent courage à cette nouvelle, et le commandant de la place la rendit aussitôt, avec dix-huit canons et des munitions considérables. La prise de cette forteresse, construite à l’européenne, en forme de polygone régulier, était d’une grande importance pour les Russes, parce qu’elle commande les deux rives de l’Araxe et la route de Naktchivan. Les

  1. L’ancien khan de Karabagh était venu joindre l’armée persane avec 4,000 cavaliers parfaitement exercés à la guerre de partisans.