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la retraite à l’infanterie. Elle trouva peu de résistance, porta au comble le désordre qui s’était mis dans les rangs, et poursuivit l’ennemi jusqu’à deux lieues et demie du côté d’Élisabethopol. Dans le combat de la rivière de Chamkor, les Persans perdirent plus de mille hommes restés sur le champ de bataille, et une partie de leur artillerie. Parmi les morts étaient deux khans, dont Amir-Khan, frère du chah : on trouva sur lui une lettre dans laquelle ce monarque ordonnait qu’on lui envoyât d’Élisabethopol cent belles filles et cent jeunes garçons.

Le prince Madatof se porta aussitôt sur Élisabethopol, où il entra le 4 septembre. Les quinze cents hommes de troupes régulières qui étaient dans la ville n’attendirent pas son arrivée, et prirent la fuite en toute hâte. L’ennemi abandonna dans le plus grand désordre les cantons occupés par lui et passa la rivière de Seiva ; la cavalerie russe s’avança jusqu’à quatre lieues sans rencontrer un seul Persan. On vit bientôt arriver des Tartares et des Arméniens du Karabagh, lesquels assurèrent qu’à l’arrivée des troupes russes les habitans de cette province s’efforceraient d’effacer le souvenir de leur défection par les preuves de dévouement qu’ils donneraient à la Russie. Yermolof ordonna alors au général Paskewitch d’opérer sa jonction avec Madatof et de marcher sur le Karabagh. Pendant ce temps, comme on l’a dit, Abbas-Mirza, ayant reçu la nouvelle de la défaite de Chamkor, avait levé le siége de Choucha pour se porter sur Élisabethopol. Le 13 septembre, étant à deux heures de la ville, il rencontra les Russes, commandés par Paskewitch, et les attaqua. Il avait avec lui quinze mille hommes d’infanterie régulière et vingt mille hommes de cavalerie ; mais, après un combat assez court, les Persans furent battus et mis en déroute. Ils perdirent onze cents hommes tués ou faits prisonniers, quatre drapeaux et plusieurs pièces d’artillerie. Parmi les prisonniers se trouvaient Ougourlou, khan de Khoï, fils de ce khan de Ghendjé qui avait été tué, lors de la prise de sa capitale, par Tsitsianof. Après cette brillante victoire, Paskewitch fut nommé général de cavalerie.

Après sa défaite devant Élisabethopol, Abbas-Mirza s’était enfui en toute hâte, et il n’avait dû son salut qu’à la vitesse de son cheval. Il avait déjà repassé l’Araxe le 18 septembre, et c’était seulement le 16 que l’empereur Nicolas avait déclaré la guerre au chah. Les provinces de Chirvan et de Cheki furent successivement évacuées par les troupes persanes qui y avaient pénétré, et le prince de Perse, renonçant désormais à prendre l’offensive, se prépara à défendre les frontières de l’empire. Vers la fin d’octobre, l’ordre était complètement rétabli dans