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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L'ASIE OCCIDENTALE.

étaient plus en état de le recevoir, parce que le nombre des défenseurs de la place s’était augmenté. Des Arméniens dévoués avaient trouvé moyen d’y entrer, et on avait mis à leur tête quelques fonctionnaires russes de l’ordre civil.

Outre l’assaut pour lequel l’ordre était donné, la place était menacée d’un autre côté. Les Persans étaient parvenus sur une hauteur d’où ils pouvaient battre la porte de la forteresse : ils avaient en outre conduit des mines en deux endroits jusque sous les tours, et il leur fallait peu de temps pour pouvoir les faire jouer avec succès. La forteresse allait tomber, lorsque tout à coup arriva la nouvelle de la défaite du serdar, près de Chamkor. La confusion se mit dans l’armée persane, et Abbas-Mirza se décida, après quarante-sept jours d’efforts inutiles, à lever le siége de Choucha et à marcher sur Élisabethopol, pour porter secours aux troupes qu’il y avait envoyées sous les ordres d’Alaiar-Khan.

L’avant-garde persane, commandée par le serdar d’Erivan, s’était emparée d’Élisabethopol et s’était avancée quatre lieues plus loin, vers la petite rivière de Chamkor. Le général-major prince Madatof, Arménien du Karabagh, qui commandait sous l’adjudant-général Paskewitch, était allé, avec un petit corps, à la rencontre des Persans. Paskewitch, voyant l’extrême supériorité de l’ennemi, lui conseilla de revenir sur ses pas ; mais Madatof, qui connaissait à fond la manière dont les Persans faisaient la guerre, se décida à attaquer immédiatement, parce que la retraite des Russes les aurait trop enhardis, aurait attiré toutes leurs forces de ce côté et mis Tiflis en danger, tandis qu’une victoire remportée sur eux ne pouvait manquer de les décourager, et peut-être de les démoraliser complètement. Grâce à une manœuvre habile, l’attaque de Madatof eut un plein succès, et les Persans furent battus le 2 septembre. Ils avaient dans ce combat deux mille hommes d’infanterie régulière, huit mille hommes de cavalerie, quatre canons et vingt fauconneaux, sous les ordres de Mahmed-Mirza, fils du prince héréditaire, aujourd’hui chah de Perse, et du serdar Amir-Khan, frère de Feth-Ali-Chah. Aussitôt qu’on aperçut les troupes russes, les Persans se mirent en ordre de bataille pour attendre l’ennemi ; ils firent jouer leurs quatre canons, soutenus par un feu de mousqueterie très vif. La batterie russe fit bientôt taire la leur, et porta le ravage dans les rangs de leur cavalerie, qui prit la fuite, à la suite du prince Mahmed-Mirza. Profitant de ce désordre, la cavalerie russe, composée de huit cents Cosaques et de la milice géorgienne et tartare, chargea les fuyards avec impétuosité, et coupa