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La Russie n’avait alors dans les provinces transcaucasiennes qu’une armée relativement peu considérable et dispersée sur différens points éloignés les uns des autres. Aussitôt qu’Yermolof eut connaissance de l’invasion d’Abbas-Mirza, il donna l’ordre de concentrer les troupes de Géorgie et de les diriger vers Élisabethopol. Il y avait à peine 34,000 hommes, dont beaucoup ne pouvaient être retirés des positions qu’ils occupaient sans livrer le pays aux montagnards soulevés par les Persans : en outre, plusieurs corps avaient été décimés par les maladies. En retranchant tout ce qui ne pouvait pas être mis en mouvement, on n’avait guère plus de 15,000 hommes à envoyer à Élisabethopol contre les nombreuses cohortes d’Abbas-Mirza, et il fallait laisser sans défense les frontières du Karabagh, du Chirvan et de Talich.

Ce fut vers le milieu du mois de juillet 1825 qu’Abbas-Mirza entra dans le Karabagh avec un corps de 40,000 hommes. Une division de ce corps s’était portée plus à l’est et avait envahi le Talich, dont les habitans s’étaient joints à elle pour marcher sur Salian et Bakou. Les Tartares du Karabagh venaient grossir l’armée du prince persan à mesure qu’il avançait : il avait compté sur l’appui des habitans musulmans des provinces transcaucasiennes, et, en effet, ces auxiliaires avaient promptement doublé ses troupes. Abbas-Mirza avait avec lui plusieurs khans dépossédés par la Russie, qui venaient pour soulever les habitans de leurs anciens domaines, et un prince de l’ancienne famille royale de Géorgie, qui se rendit aussitôt en Kakhétie pour exciter les Géorgiens à l’insurrection. Ali-Naki-Mirza, huitième fils du chah, s’avança jusqu’aux montagnes qui séparent le Chirvan du Daghestan, et Sourkbiaï, ancien khan des Khasi-Koumouks, aurait aisément soulevé ces montagnards si le khan qui l’avait remplacé n’était resté fidèle à la Russie et n’avait agi vigoureusement en faveur de cette puissance. Les Persans, comme on le voit, avaient excité l’insurrection dans les provinces les plus importantes et les plus populeuses avant qu’Yermolof eût eu le temps de prendre ses mesures, soit pour s’opposer à ces soulèvemens, soit pour concentrer ses troupes à Tiflis.

La province de Karabagh n’était défendue que par le 42e régiment de chasseurs, sous les ordres du colonel Reutt ; il se réfugia dans la forteresse de Choucha, où il fut bientôt assiégé par les 40,000 hommes d’Abbas-Mirza. Nous entrerons dans quelques détails sur ce siége, afin de donner une idée de la tactique persane. La forteresse était en très mauvais état, elle n’avait qu’une très faible garnison, et il ne