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trente mahals ou cercles administrés par des naïbs, lesquels sont choisis de préférence parmi ceux des indigènes qui ont été au service du gouvernement. Il y a une noblesse qui possède des villages ; mais la terre seule lui appartient. Les paysans sont libres et paient un cinquième des produits du sol qu’ils cultivent. Une partie de cet impôt va aux propriétaires du fonds, l’autre à la couronne. La population se compose de Tartares et d’Arméniens. Ceux-ci font un commerce considérable de soie qu’ils envoient à Moscou, à Nijneï-Novgorod et même à Constantinople. Le Karabagh, dont le nom signifie jardin noir, dépendait autrefois de l’Arménie, puis il appartint à la Perse. Les Turcs l’enlevèrent aux sofis, et, sous Nadir-Chah, il fut réuni de nouveau à l’empire persan. Nadir emmena dans le Khorassan la plus grande partie des Tartares du Karabagh. Parmi eux se trouvait un certain Panakhan qui s’enfuit avec plusieurs de ses compatriotes et revint dans son pays natal dont les habitans le choisirent pour souverain. Le chah fut obligé de lui reconnaître le titre de khan de Karabagh, et cette dignité passa à son fils Ibrahim. Celui-ci, en 1805, reconnut spontanément la souveraineté de la Russie et reçut une garnison russe dans la forteresse de Choucha. Il se lassa bientôt de cette suzeraineté qui mettait des entraves à ses pillages et à sa tyrannie, et, en 1806, il appela secrètement les troupes persanes pour leur livrer Choucha ; mais il fut tué par le major russe Lissanevitch qui commandait la garnison de cette place, et son fils Mekhti-Kouli-Khan lui succéda. Celui-ci gouverna le Karabagh pendant plusieurs années ; en 1822, il s’enfuit en Perse pour des motifs inconnus. Son khanat fut alors incorporé à l’empire russe. Cette province, entrecoupée de hautes montagnes et de vallées profondes, a un climat très inégal ; aussi ses habitans sont plutôt pasteurs que laboureurs, et mènent volontiers la vie nomade, surtout les mahométans. Toutefois le Karabagh produit du vin, du coton, de la soie, du riz ; on y trouve aussi une race de chevaux très estimée. Au nord du Karabagh et à l’ouest du Chirvan, est le Cheki qui était aussi gouverné par des khans sous la protection de la Russie. Le dernier de ces khans, Ismaïl, étant mort sans enfans, en 1820, sa principauté fut incorporée à l’empire. C’est, comme on le voit, la fin inévitable de ces petites souverainetés.

Le Cheki est séparé par le Kour de la province de Ghendjé, ainsi appelée du nom de sa capitale. Le khan de Ghendjé s’était soumis à la Russie sous Catherine II, il redevint indépendant lorsque Paul Ier fit repasser le Caucase à ses troupes. Lors de la réunion de la Géorgie à l’empire russe, le prince Tsitsianof, gouverneur des provinces cau-