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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L'ASIE OCCIDENTALE.

mans, étant les plus faibles, s’étaient mis sous la protection du khan de Khiva qui avait pour favorite une femme de leur nation : les Kirghis craignent ce prince, quoiqu’ils ne soient pas ses tributaires.

Plus tard, M. Eichwald visita le golfe du Balkhan, situé aussi sur la côte orientale, mais beaucoup plus au midi. Quoique ce golfe soit situé à une latitude plus méridionale que celle de Naples, il gèle souvent l’hiver : en revanche, la chaleur y est intolérable pendant l’été. Cette succession d’hivers rigoureux et d’étés brûlans est assez ordinaire sur les bords de la mer Caspienne, et l’on sait, du reste, que le climat de la Haute-Asie est généralement excessif. Les bords du golfe du Balkhan sont habités ou plutôt parcourus par les Turcomans, qui y promènent leurs tentes de feutre, leurs immenses troupeaux de moutons, leurs admirables chevaux et leurs chameaux. Ils se divisent en trois tribus principales ; les Youmout qui habitent entre Astrabad et le golfe de Karabouga et qui sont soumis aux Persans ; les Beka, répandus plus à l’est, qui ne reconnaissent qu’à moitié l’autorité du chah ; enfin les Koklan, qui demeurent plus au nord et qui sont tout-à-fait indépendans, sauf peut-être une légère redevance qu’ils paient au khan de Khiva. Tous sont mahométans sunnites et parlent un dialecte tartare. « Il arrive quelquefois, dit M. Eichwald, qu’un Russe échappé des prisons de Bakou ou d’Astrakan trouve un asile chez les Turcomans ; ordinairement il embrasse leur religion et on lui donne aussitôt une femme, une kibitke et les animaux domestiques nécessaires. Il s’accoutume à leur vie, et ne se soucie plus de retourner dans sa patrie où il est sous le coup d’une condamnation. Celui que nous vîmes près du golfe du Balkhan et que trahissaient ses traits européens, était un beau jeune homme ; il niait qu’il fût Russe et faisait semblant de ne pas comprendre ce que nous disions, mais sa rougeur et sa contenance embarrassée prouvaient assez qu’il mentait. »

Ce qui attirait principalement M. Eichwald sur cette partie de la côte était le désir d’explorer l’ancienne embouchure du fleuve Oxus. Au pied du mont Balkhan qui donne son nom au golfe est une rivière appelée Akh-Tam. Ce nom, suivant la remarque du professeur allemand, provient peut-être de l’ancien nom : Akh-tam veut dire argile blanche ; mais akh et okh sont probablement le même mot, et okh-sou dans ce cas voudrait dire eau blanche, puisque sou signifie eau en tartare. Le lit de l’Akh-Tam, d’après sa profondeur, a dû être celui d’un cours d’eau considérable, et ce qui le prouve encore, c’est qu’à son entrée dans la mer, se trouve une barre semblable à celle que forment, à l’embouchure des grands fleuves, les sables que leur courant en-