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REVUE. — CHRONIQUE.

d’une part, et de l’autre, le roi des Pays-Bas et la confédération germanique, garantissant de plus à la forteresse fédérale de Luxembourg ses libres communications avec l’Allemagne. C’est qu’en effet personne, si ce n’est les négociateurs belges, ne pouvait oublier que le grand-duché de Luxembourg était possédé par le roi des Pays-Bas à un tout autre titre que le reste de la Belgique ; qu’il avait reçu cette province en compensation de ses possessions héréditaires ; que la branche allemande de la maison de Nassau y avait des droits éventuels de réversibilité incontestables, et que la confédération germanique avait aussi les siens de la nature la plus positive, et liés avec ses plus graves intérêts. Dès le premier jour, un homme dont la voix n’a jamais failli à la cause de la liberté en Europe, un des plus opiniâtres défenseurs de la nationalité polonaise, M. Bignon, qui fait autorité en pareilles matières, avait dit sur le Luxembourg, à la tribune de la chambre des députés, dans la séance du 13 novembre 1830 : » Je dois signaler une autre chance de guerre qui a son principe dans les passions, dans les imprudences des Belges, c’est leur prétention mal fondée sur le grand-duché de Luxembourg. J’articule ce fait à la tribune, afin de dissiper une erreur trop accréditée, et par la crainte que la presse périodique, qui a rendu tant de services à la cause des peuples, ne contribue à compromettre l’indépendance des Belges, en les encourageant dans un système d’usurpation capable d’attirer un choc entre eux et l’Allemagne. » M. Bignon en appelait ensuite aux traités, et il ajoutait : « La ville de Luxembourg a été déclarée forteresse fédérale ; voilà une question sur laquelle les traités peuvent être invoqués avec succès (par les ennemis de la Belgique) ; le tort est du côté des Belges… » Telles étaient alors, telles sont restées depuis et la vérité et l’opinion de toute l’Europe. Les préliminaires du 26 juin n’y dérogeaient pas, puisqu’ils posaient pour le grand-duché de Luxembourg le principe d’une négociation distincte. Et ceci revenait à dire que si l’Europe se croyait, dans l’intérêt général, le droit de reprendre ce qu’elle avait donné, pour en disposer autrement, elle ne se croyait pas celui d’enlever à toute la maison de Nassau les dédommagemens que cette maison avait acceptés pour ses principautés souveraines en Allemagne. Quel eût été le résultat de la négociation avec le roi des Pays-Bas et la confédération germanique ? Je l’ignore. Quels étaient le vœu et l’esprit des puissances représentées à Londres ? Je ne le sais pas davantage. Il me semble qu’il aurait toujours fallu en arriver à un échange de territoires. Et sur quoi aurait-il porté, si ce n’est sur ceux dont la Belgique était la seule et incontestable souveraine ? Il me semble encore que la forteresse fédérale de Luxembourg serait nécessairement restée en dehors de l’échange et qu’on lui aurait par conséquent assigné un certain rayon, des communications libres et sûres avec l’Allemagne ; c’est-à-dire que si l’on avait pu s’entendre, on aurait conclu des arrangemens à peu près pareils à ceux que le roi Léopold a été autorisé par le congrès belge à ratifier, et auxquels M. de Mérode croit que la Belgique peut et doit aujourd’hui se soustraire.

Vous voyez, monsieur, qu’il n’y a guère lieu d’invoquer les préliminaires