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Bruxelles et ailleurs, elle doit vouloir qu’ils profitent tous du même affranchissement, conquis au moyen des efforts de tous. L’abandon de trois cent mille Luxembourgeois et Limbourgeois, demeurés Belges pendant sept ans en vertu de la non-exécution du traité du 15 novembre, marquerait d’une tache et d’une tache ineffaçable l’administration de M. Molé : sic dignus est vindice nodus. L’est-il pour la confédération germanique ? Non ! les membres de la diète de Francfort connaissent l’histoire des ducs de Bourgogne, de Charles-Quint, de l’archiduc Albert, de l’infante Isabelle, de Marie-Thérèse, du royaume des Pays-Bas formé de deux grandes divisions territoriales distinctes. M. le prince de Metternich ne peut croire que la volonté des Luxembourgeois et Limbourgeois de rester Belges soit un pur caprice révolutionnaire. Les faits anciens parlent trop haut. L’esprit destructif de tous les souvenirs nationaux et légitimes est plutôt dans ces remaniemens, dans ces découpures de provinces unies entre elles de temps immémorial, remaniemens et découpures qu’on ne sait comment qualifier, tant ils blessent la politique du plus simple bon sens. « M. de Mérode, dit l’auteur de la lettre sur les affaires extérieures, trouve bon de laisser les Prussiens dans la forteresse du Luxembourg, à quelques lieues de Metz. » M. de Mérode ne trouve là rien de bon ; il laisse seulement les choses à Luxembourg comme elles sont militairement depuis vingt-trois ans et civilement depuis huit ans. Il laisse les Hollandais à Maestricht, ou ils étaient avant 1789, et où ils sont aujourd’hui, sachant que cette occupation nuit au Limbourg, aux habitans de Maestricht et même à la Hollande, qui n’en recueillera que des dépenses. Mais M. de Mérode s’arrête au statu quo, parce que des prétentions allant plus loin deviendraient réellement une cause de guerre, de cette guerre dont personne ne veut, et que personne ne fera à la France lorsqu’elle dira fermement et simplement, par l’organe de M. Molé, aux puissances du Nord : « Je ne souffre pas de trafic d’hommes à côté de mes frontières. Il est trop tard maintenant ; laissez les Belges vivre ensemble sous leur gouvernement né de la révolution de septembre, comme nous, Français, vivons sous celui né de la révolution de juillet ; vous dominez en Pologne, en Allemagne, en Italie ; vous avez une garnison fédérale à Luxembourg, une garnison alliée à Maestricht ; votre lot est large, le mien modeste. Ce n’est point la conquête, c’est l’affranchissement d’un peuple ; consentez-vous ? ou je tire l’épée. » Et le non dignus vindice nodus fera comprendre aux princes directeurs de la confédération germanique qu’ils peuvent se passer des habitans du Luxembourg et du Limbourg, Germains d’emprunt, nullement façonnés au joug fédéral, comme la France se passe non seulement des limites du Rhin, mais des forteresses et pays de Landau et Sarrelouis, français en 1789, actuellement bavarois et prussiens, attendu que les circonstances changent et changeront les traités qui ne sont point des actes par-devant notaires. En se soumettant aux nécessités malheureuses, la Belgique n’a point certainement voulu perdre tout espoir d’un meilleur avenir, lorsque les refus et les lenteurs calculés de son adversaire et de la majeure partie de ses arbitres lui viendraient en aide. Un peuple toujours