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désapprouve hautement toutes ses démarches, et qui menace même de le déshériter s’il persiste dans le projet insensé d’agiter la France. Mais le jeune prince refusa formellement, en alléguant qu’il se doit à ceux de ses sujets qui se sont dévoués pour lui. Or, ces sujets sont au nombre de quatre ou de six, tous très dévoués sans doute, mais qui réussiront difficilement, nous le croyons, à replacer M. Louis Bonaparte sur le trône de ses pères.

Du reste, les dernières nouvelles de la Suisse font mieux augurer des dispositions des cantons. Saint-Gall, Thurgovie, Bâle-Campagne, Vaud, Genève et une partie de Lucerne, étaient, au départ de ces nouvelles, seuls opposés à la réclamation de la France. Les autres étaient d’avis d’obtempérer aux demandes du gouvernement français. L’avoyer, M. Kopp, dans une conférence avec M. le duc de Montebello, avait déclaré que le titre honorifique de citoyen, conféré par l’état de Thurgovie à Louis Bonaparte, n’entraînait pas la renonciation au titre de citoyen français, renonciation dont M. Louis Bonaparte se trouvait dispensé par la constitution de Thurgovie. De l’aveu même de M. l’avoyer, c’est là un état exceptionnel et qui n’implique aucun droit. Il y aurait donc mauvaise fois à arguer de cette vaine qualité, pour revendiquer M. Louis Bonaparte comme citoyen suisse, tandis qu’on lui a formellement reconnu le droit de garder le titre de citoyen français. Dans cet état de choses, la France doit exiger que la Suisse garantisse la conduite politique du réfugié qu’elle a recueilli. La confédération helvétique doit considérer, en outre, que lorsqu’une puissance telle que la France se résout à demander l’expulsion d’un prétendant, elle ne reculera devant aucun moyen pour arriver à son but.

Le départ de M. Fabricius, chargé d’affaires de Nassau, et remplissant l’intérim de la légation des Pays-Bas, a terminé la singulière polémique à laquelle avaient donné lieu ses rapports avec le sieur Chaltas. M. Fabricius, l’un des vétérans de la carrière diplomatique, a été évidemment dupé par ce personnage, qui lui fournissait des documens apocryphes ; et il fallait avoir bien peu profité de l’expérience qu’on peut recueillir dans une si longue carrière, pour tomber dans un piége aussi grossier. Nous ne refusons pas au sieur Chaltas quelque talent pour fabriquer des dépêches : celles qu’il a livrées à M. Fabricius, et dont on a publié quelques fragmens, sont, après tout, des dépêches possibles ; mais ce qui doit surprendre, c’est qu’un diplomate ayant résidé long-temps à Paris, ait cru à la prétendue infidélité d’un des employés supérieurs des affaires étrangères. Le personnel de cette administration est à l’abri de toute atteinte, et un peu plus de connaissance des hommes auxquels il avait naturellement affaire eût évité à M. Fabricius les démarches qui se sont terminées d’une manière si fâcheuse pour lui. On ne saurait toutefois trop louer la vigilance du gouvernement en cette circonstance. Elle a été telle qu’elle rend toutes les affaires de ce genre désormais impossibles, affaires toujours fâcheuses pour la diplomatie et pour le gouvernement qui est mis en jeu dans ces fourberies. Il paraît, en effet, que la crédulité de M. Fabricius, qui communiquait avec empressement à sa cour et à trois autres puissances les fausses dépêches du sieur Chaltas, avait apporté quel-