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Elle ne manqua pas de donner avis de ce qui se passait à Marcel Capecce. Durant les chaleurs brûlantes de cet été, la duchesse se promenait souvent dans les bois qui entourent Gallese. À la chute du jour, elle venait attendre la brise de mer sur les collines charmantes qui s’élèvent au milieu de ces bois et du sommet desquelles on aperçoit la mer à moins de deux lieues de distance.

Sans s’écarter des lois sévères de l’étiquette, Marcel pouvait se trouver dans ces bois : il s’y cachait, dit-on, et avait soin de ne se montrer aux regards de la duchesse que lorsqu’elle était bien disposée par les discours de Diane Brancaccio. Celle-ci faisait un signal à Marcel.

Diane, voyant sa maîtresse sur le point d’écouter la passion fatale qu’elle avait fait naître dans son cœur, céda elle-même à l’amour violent que Domitien Fornari lui avait inspiré. Désormais elle se tenait sûre de pouvoir l’épouser. Mais Domitien était un jeune homme sage, d’un caractère froid et réservé ; les emportemens de sa fougueuse maîtresse, loin de l’attacher, lui semblèrent bientôt désagréables. Diane Brancaccio était proche parente des Caffara ; il se tenait sûr d’être poignardé, au moindre rapport qui parviendrait sur ses amours, au terrible cardinal Caffara qui, bien que cadet du duc de Palliano, était, dans le fait, le véritable chef de la famille.

La duchesse avait cédé depuis quelque temps à la passion de Capecce, lorsqu’un beau jour on ne trouva plus Domitien Fornari dans le village où était reléguée la cour du marquis de Montebello. Il avait disparu : on sut plus tard qu’il s’était embaqué dans le petit port de Nettuno ; sans doute il avait changé de nom, et jamais depuis on n’eut de ses nouvelles.

Qui pourrait peindre le désespoir de Diane ? Après avoir écouté avec bonté ses plaintes contre le destin, un jour la duchesse de Palliano lui laissa deviner que ce sujet de discours lui semblait épuisé. Diane se voyait méprisée par son amant, son cœur était en proie aux mouvemens les plus cruels, elle tira la plus étrange conséquence de l’instant d’ennui que la duchesse avait éprouvé en entendant la répétition de ses plaintes. Diane se persuada que c’était la duchesse qui avait engagé Domitien Fornari à la quitter pour toujours, et qui de plus lui avait fourni les moyens de voyager. Cette idée folle n’était appuyée que sur quelques remontrances que jadis la duchesse lui avait adressées. Le soupçon fut bientôt suivi de la vengeance. Elle demanda une audience au duc et lui raconta tout ce qui se passait entre sa femme et Marcel. Le duc refusa d’y ajouter foi. « Songez, lui dit-il, que depuis quinze ans je n’ai pas eu le moindre reproche à