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DE LA QUESTION COLONIALE.

ponse à faire à ce sophisme. D’abord, la métropole ne s’est pas imposé cette charge pour ses établissemens d’outre-mer, mais pour elle-même, et quand elle serait réduite à ses possessions continentales, elle n’en dépenserait pas un sou de moins pour la garde de ses ports et de ses frontières de terre si étendues et si ouvertes à la contrebande européenne. Et puis, est-il bien vrai que les colonies n’apportent pas leur part contributive à l’entretien de cette douane française, impuissante aujourd’hui à les préserver d’une contrebande qui sort des entrailles même du territoire français ? Eh quoi ! sur ceux des produits coloniaux qui peuvent encore se glisser au rabais sur le marché encombré de la métropole, n’est-il pas perçu un droit exorbitant, abusif, supérieur à la valeur intrinsèque des produits importés, un droit qui dépasse toutes les limites des impôts de consommation et va attaquer la production même dans ses sources lointaines ? Sur ce revenu si cruellement exagéré, est-il bien clair que la France ne prélève rien pour ses douaniers ? Et enfin, si l’on veut marchander avec les colonies sur ce qu’elles paient chez elles pour la France, sur ce que la France paie ici pour elles, il faudrait prouver, avant tout, que leurs produits entrent et se vendent en totalité dans les ports de la métropole, comme l’a entendu le pacte commercial qui n’est pas encore aboli positivement. Jusqu’à ce que cette preuve soit donnée, un pareil compte de clerc à maître ne fait qu’ajouter aux souffrances trop réelles des pays d’outre-mer la dérision qui les aigrit.

Ce n’est pas tout. Les colonies, pour subvenir aux frais que la nécessité ordinaire, en toute circonstance, leur imposerait et que l’exigence de la métropole aggrave, sont réduites à frapper d’un droit de sortie leurs sucres, leurs cafés, tous leurs produits agricoles qui, par là, arrivent déjà chargés en Europe, pour y être accablés sous le poids énorme de l’impôt que nous avons dit. Elles voudraient depuis long-temps puiser à une autre source ce revenu indispensable à leur existence ; mais il n’y a pas, pour elles, de grandes ressources à attendre des impôts directs, et l’impôt personnel notamment serait antipathique à leurs mœurs, et fatiguerait, humilierait le contribuable sans presque rien donner. Il ne resterait donc plus qu’à atteindre les importations de la métropole dans les colonies, car on subit tôt ou tard et partout cette rude devise de l’ancienne finance : « Il faut bien que je prenne quelque part. » Or, quelle matière plus imposable, et imposable avec plus de latitude, que les produits importés de la métropole, qui jusqu’ici n’ont acquitté, à la plupart des douanes coloniales, qu’une insignifiante redevance d’un pour cent de leur valeur ?