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masse de révélations qui n’ont pas transpiré au dehors sans être grandement atténuées, nous persistons à demander que jusqu’à la fin on ne désespère pas du concours des conseils coloniaux, pour la réforme sociale des pays dont ils occupent les sommités hiérarchiques. Mais, pour cela, il faut remplir deux conditions : façonner d’abord ces instrumens, et puis savoir les manier.

Si l’on veut les assouplir et les rendre plus dociles, qu’on commence par accueillir dans leurs réclamations ce qu’il y a de juste. Presque toujours, lorsque les conseils coloniaux ont eu à défendre leurs intérêts matériels, ils ont été dans le vrai ; et déjà, pour les améliorations de ce genre qu’il leur était possible de réaliser de leur pleine autorité, ils ont justifié leur existence et leur droit d’intervention. Ainsi, à la Guadeloupe, où l’administration avait demandé pour un seul article de l’exercice 1834 (personnel, solde et allocations accessoires), une somme de 1,487,817 fr. 80 c., ils l’ont amenée à ne plus demander, pour 1838, que 1,339,301 fr. 34 c. : économie, 148,516 fr. 46 c. Et cependant aucun service n’a souffert ; le personnel, loin d’être sacrifié, est devenu un peu plus nombreux, et n’a fait entendre aucune plainte. Les assemblées délibérantes sont seules capables de ces tours de force ; elles sont admirables pour l’économie et la surveillance des intérêts positifs qui leur sont confiés.

Sans parler ici de la grande réparation que les colonies réclament pour les produits de leur agriculture, qui devraient avoir une plus large place sur le marché de la métropole, ou la liberté du moins de chercher un débouché hasardeux dans tous les ports du monde commercial, nous connaissons d’autres injustices, plus obscures, et qui seraient demeurées inaperçues, si les conseils coloniaux n’y avaient porté le flambeau d’une investigation minutieuse, comme les assemblées électives peuvent seules le faire. Ainsi, à la Guadeloupe (et l’abus de l’omnipotence métropolitaine n’est pas moins flagrant dans les autres colonies), on voit une dépense qui, en tout, s’élève à 240,000 fr., mise à la charge des colons ; et à quel objet s’applique-t-elle ? Au service de la douane locale, qui n’a guère d’autre but que de garantir aux produits de la France le marché insulaire et de les protéger contre toute concurrence étrangère. Cependant la France a refusé jusqu’à ce jour de prendre à son compte une partie de ce fardeau, dont la totalité aurait dû toujours peser sur elle seule. Qu’on ne dise pas que, par réciprocité, la douane des frontières de France, à laquelle les colonies ne votent aucune allocation spéciale, défend leurs produits contre les rivalités extérieures. Il y a plus d’une ré-