pour nous de pardonner à l’esclavage, ni d’excuser sa durée ; on ne pourrait que lui savoir gré de n’avoir pas fait tout le mal que comporte sa mauvaise nature.
Au reste, en cette même année (1835), à la Guadeloupe, il y a eu excédant des décès sur les naissances dans la population esclave : on y a constaté 1,894 naissances et 2,175 décès.
Quant aux mariages, on n’en cite que 14, même chiffre qu’à la Martinique, avec cette différence, encore plus défavorable pour la Guadeloupe et ses dépendances, que c’est un mariage sur 6,880 esclaves.
Si nous passons maintenant des esclaves à leurs maîtres, nous reconnaissons tout d’abord que la représentation élective de la Guadeloupe et de ses dépendances, qui se compose de trente membres, n’a pas été jusqu’ici, plus que celle de la Martinique, abordable pour les libres de couleur ; on peut en croire le silence des documens administratifs que nous venons de parcourir ; ils ne citent pas un seul conseiller colonial qui appartienne à cette classe, et, s’ils avaient pu le faire, ils n’y auraient pas manqué. Il y a plus : l’administration, en donnant le nombre des électeurs, qui est de 1,092, et celui des éligibles, qui est de 619, se dispense de constater quelle est la part des mulâtres dans la répartition de ce double droit politique. Est-ce la pudeur d’afficher un trop faible chiffre ? est-ce le repentir d’avoir été trop explicite sur ce point, dans la notice de la Martinique ?
On serait, à vrai dire, disposé à induire d’un fait assez significatif que le nombre des électeurs et éligibles parmi les gens de couleur, si faible qu’il soit à la Martinique, doit y être encore plus considérable qu’à la Guadeloupe. En effet, dans la dernière de ces îles, on estime que la population blanche possède les treize quatorzièmes des terres et qu’il n’en reste ainsi aux libres de couleur qu’un quatorzième : or, nous avons vu que, dans la première, ceux-ci en ont à peu près le neuvième. Certes, il y a lieu de s’étonner que, dans la comparaison entre ces deux colonies, les termes se posent ainsi, et l’on aurait imaginé une corrélation inverse ; car la Guadeloupe est bien, sans contredit, au premier rang de la civilisation des Antilles ; la réconciliation des races diverses et encore hostiles y rencontrera moins d’obstacles qu’ailleurs, grâce aux lumières, à la modération, à la facilité de mœurs et à la cordiale franchise de ses habitans. Comment se fait-il que les libres de couleur, sur cette terre où l’orgueil de l’aristocratie blanche les laisse respirer plus à l’aise, n’aient pas encore pu se ménager une plus large place dans la propriété territoriale ?