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DE LA QUESTION COLONIALE.

promet ; elles ont, les premières, avec une louable intelligence de leur position, réclamé des prêtres, des instituteurs pour leurs noirs ; elles prévoient que l’émancipation viendra un jour, comme un ouragan, et que les esclaves ne seront pas prêts.

Il n’est pas indifférent, pour la prévision d’une indemnité à payer plus tard (car c’est par là que tout finira), de savoir quelle est aujourd’hui la valeur du travail d’un esclave. Elle varie selon la nature et le prix vénal des denrées qu’il produit. On estime qu’un nègre sucrier peut produire annuellement 850 kilogrammes de sucre, ce qui ferait ressortir la valeur de son travail à 1 fr. 26 c. par jour, ou 459 fr. par an, en supposant le prix du sucre à 27 fr. les 50 kilogrammes, et sans tenir compte des sirops et liqueurs diverses dont la fabrication entre accessoirement dans la somme de services qu’on tire du noir chaque année. La valeur du travail d’un esclave attaché à la culture du café peut être de 63 c. et demi par jour, ou de 228 fr. par an, en admettant qu’il produise annuellement 114 kilogrammes de café, à 2 fr. le kilogramme. Nous ferons observer que si le noir, dans ce dernier emploi, fournit un travail moins précieux et produit moins de richesse, en revanche il s’épuise moins et doit vivre plus long-temps, de manière qu’il y a compensation dans l’intérêt du maître. Le labeur d’urgence et l’air embrasé des sucreries usent rapidement les travailleurs qu’on y dévoue. En résumé, la valeur moyenne du travail d’un esclave cultivateur, si l’on confond ensemble tous les genres de culture, est généralement fixée à 1 fr. par jour. La valeur vénale moyenne de la personne même de l’esclave est de 1,200 fr.

On évalue le prix moyen de la nourriture et de l’entretien d’un esclave à 40 c. par jour, ou 146 fr. par an. Dans cette évaluation l’on ne comprend ni ce qu’il en coûte pour le traiter en cas de maladie, pour le loger, ni la somme équivalente au loyer du terrain qui est mis à sa disposition pour recevoir quelques cultures ou nourrir quelques animaux domestiques à son profit.

Retournons des esclaves à une autre classe, celle des libres, pour distinguer dans celle-ci encore deux subdivisions toujours existantes par le fait, et faisons jaillir de leur comparaison les lumières qu’il est utile de répandre.

La loi fondamentale de 1833, comme on sait, a doté nos quatre colonies d’une sorte de représentation élective, assez analogue aux conseils-généraux des départemens en France, mais avec un caractère et des tendances plus politiques, malgré toutes les réserves législatives, et cela nécessairement par la nature des choses, parce qu’il n’y