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DE LA QUESTION COLONIALE.

cisément décidé le choix de la Mayenne pour la station de Bourbon. La loi du 4 mars 1831, faite dans un but sérieux et exécutée de même, a rendu à peu près impossible cette honteuse violation des lois antérieures contre la traite, et c’est beaucoup ; mais ce n’a été que le réglement du passé : on a, par cette loi, empêché le nombre des esclaves de s’accroître par de nouvelles introductions illégales ; on n’a rien stipulé pour l’ensemble de la population noire qui vivait déjà dans un état d’esclavage légalement reconnu ; on n’a pas cherché à prévoir par quels moyens leur servitude pourrait être allégée dès ce moment, et leur émancipation préparée pour l’avenir.

Deux ordonnances royales, du 1er  mars 1831 et du 12 juillet 1832, ont paru révéler, dans le ministère de cette époque, une tendance honorable à élargir la voie par laquelle le nègre peut passer de l’esclavage à la liberté. Ainsi elles ont réduit aux plus simples formalités et à une taxe insignifiante les conditions, autrefois compliquées et onéreuses, qui entravaient la bonne volonté des maîtres dans la concession spontanée des affranchissemens partiels. De plus, par une de ces ordonnances, la liberté de droit a été assurée à tous les noirs, assez nombreux dans nos colonies, qui jouissaient d’une liberté de fait, sous le nom de patronés ou libres de savannes : leur situation équivoque a été rendue plus régulière et plus stable. Mais qui ne voit que le pouvoir de la métropole, par cette dernière largesse dont on a dû lui savoir gré toutefois, intervenait simplement pour consacrer un état de choses qui existait déjà de soi-même et avait été généralement respecté par la jurisprudence et l’usage des colonies ? Quant aux dispositions qui ont restitué au maître le droit d’affranchir son esclave quand il lui plaît, avec une facilité qui n’est pourtant pas encore celle de l’édit de 1685, il n’est pas paradoxal d’affirmer qu’elles étaient commandées par l’intérêt du maître autant que par celui de l’esclave. En effet, sous le régime qui avait remplacé l’édit de 1685 et s’était prolongé jusqu’en 1832, un maître, pour donner la liberté au noir qui avait été l’unique appui de sa vieillesse, et l’avait nourri en travaillant, était réduit à solliciter, comme une faveur, auprès du gouvernement colonial une autorisation qu’il n’obtenait pas toujours ; il avait à payer une prime d’affranchissement qui rendait ce témoignage de reconnaissance accordé par le maître à son esclave presque inabordable à la pauvreté, en forçant celle-ci de sacrifier deux fois le prix du noir qu’il s’agissait d’émanciper ; en outre, il fallait, comme cela est toujours nécessaire, constituer à l’esclave dont on faisait un homme libre, une somme en numéraire ou en toute autre valeur, à peu près