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pour lui présenter ce don charmant des immortels. Épiméthée, à cette vue, oublia le conseil que lui avait donné Prométhée, son frère, de ne rien recevoir du maître de l’Olympe et de lui renvoyer tous ses présens, de peur qu’il n’en résultat quelque malheur pour les hommes. Ce ne fut qu’après avoir reçu Pandore qu’Épiméthée sentit combien ce don était funeste. Jusque-là les tribus humaines avaient vécu sur la terre, sans peine et sans travail, exemptes des maladies cruelles qui amènent la vieillesse, car la vieillesse plaintive naît promptement de l’affliction. Or, la dangereuse Pandore, ayant soulevé le couvercle d’un vase qu’elle tenait dans ses mains, répandit parmi les hommes une source intarissable de maux. La seule espérance ne franchit pas le seuil ; elle erra sur les lèvres du vase, mais ne s’envola pas, Pandore ayant remis aussitôt le couvercle par le conseil de Jupiter. Cependant tous les maux que contenait la boîte se répandirent aussitôt parmi les hommes. La terre en fut remplie aussi bien que la mer. Les maladies, depuis ce temps, guettent les hommes jour et nuit, leur apportant toutes sortes de tortures en silence, car Jupiter a voulu que ces ennemies des humains fussent muettes[1]. »

Ailleurs Hésiode ajoute :

« C’est de Pandore, créée pour le malheur des mortels, que sont sorties toutes les femmes ; aussi dangereuses que leur mère, elles sont comme elle la ruine assurée des humains[2]. »

Cette ironique et gracieuse fiction, tout ancienne qu’elle soit, ne me paraît pas remonter au-delà d’Hésiode. Le mythe vraiment antique et religieux, au moyen duquel les Grecs expliquaient la création de la femme, se trouve bien plutôt dans Platon, dépositaire des traditions orientales. Lisez, au commencement du Banquet, le discours d’Aristophane : vous y verrez l’exposition du dualisme sexuel, qui fut, suivant toutes les anciennes cosmogonies, l’état primitif du genre humain. En écartant l’ironie que le génie comique de l’interlocuteur jette sur l’union et la séparation de l’Androgyne, on retrouve dans un récit la même croyance, qui vient de se montrer à nous si complète et si naïve dans l’arbre de vie du Boun-Dehesch.

Il y a bien loin de là, sans doute, à la manière sublime dont Dieu dans la Genèse opère le dédoublement de l’être humain. Dans le récit du Pentateuque, c’est de la chair d’Adam, la plus voisine de son cœur, que le Seigneur forme, pendant son sommeil, la femme, cette

  1. Hesiod., Op., v. 57-104.
  2. id. Theogon., v. 590, seqq.