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exigences les plus humiliantes pour une nation libre, s’étaient enfin décidés, mais trop tard, à se joindre à la France, pour défendre la liberté des mers et le droit des neutres. Ils avaient vaillamment soutenu la lutte pendant le cours de deux années ; puis, restés seuls dans la lice, lorsque Napoléon eut succombé en 1814, ils se trouvèrent exposés aux attaques de toutes les forces anglaises. Une expédition formidable fut préparée contre la Louisiane ; quinze mille hommes de vieilles troupes, qui s’étaient battues en Portugal et en Espagne, firent voile pour cette contrée, la dernière qui eût été réunie à la fédération américaine, et celle, dès-lors, qui passait pour devoir en être plus facilement détachée.

La Nouvelle-Orléans, si sérieusement menacée, était dépourvue de tout moyen de défense. Assise sur la rive gauche du Mississipi, elle semblait bien protégée par les lacs que les eaux du fleuve avaient formés, et par les terrains marécageux et tremblans qu’il avait disposés vers ses embouchures ; mais elle n’avait ni fortifications, ni troupes ; à peine pouvait-elle mettre douze cents hommes sous les armes. Aussi l’approche du danger la jeta dans la consternation. Ses habitans ne s’étaient jamais battus. Ils jouissaient depuis deux ans de leur pleine indépendance. Ils étaient souverains ; mais ils n’étaient pas organisés. Ils possédaient les droits qui charment les volontés, ils ne disposaient pas des pouvoirs qui les rallient. C’est le grand inconvénient des états démocratiques, qui, d’un autre côté, ont l’avantage de former des hommes vigoureux, dont la pensée devient un moyen passager d’organisation, et qui établissent un moment, par leur caractère, l’unité du commandement et le concours des efforts. La Louisiane fut assez heureuse pour trouver un de ces hommes dans le major-général André Jackson.

Chargé par le président Madison de défendre la Louisiane menacée, le général Jackson accepta sans hésiter cette mission difficile. Dans sa vie aventureuse il s’était accoutumé à ne rien croire impossible. Destiné par ses parens au sacerdoce, et entré par son choix dans la carrière du barreau, sa véritable vocation était la guerre. Quoiqu’il eût été nommé par Washington avocat-général dans le Tennessee, qu’il eût fait partie du congrès comme législateur, d’une cour suprême comme juge, il s’était surtout distingué les armes à la main. À l’âge de quatorze ans, il avait combattu en volontaire sous le drapeau de l’indépendance et y avait été blessé. Emporté par le besoin de l’action, la fougue de son caractère et le goût des aventures, il avait émigré vers l’ouest, où il était devenu l’un des belli-