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La tente dans laquelle nous fûmes logés à Hamza était celle du cheik ; on nous abandonna toute la partie consacrée aux hommes. Le maître, qui était en ce moment avec Abd-el-Kader, ne pouvait veiller sur ses femmes ; et, comme on ne voulait cependant pas exposer celles-ci au voisinage immédiat et sans garantie de sept Européens, on s’avisa de faire un trou dans la cloison du milieu, ce qui établit une communication entre les deux sexes. Mais ce trou fut immédiatement rempli par un parent du cheik qui vint s’y accroupir dans une position si habilement calculée, qu’il avait l’œil gauche chez nous et le droit chez ces dames. Vers le milieu de la nuit, nous nous éveillâmes : un vent du nord, rafraîchi par les neiges du Jurjura, était venu glacer nos jambes qui dépassaient le burnous. » Nos yeux s’étant alors portés sur la niche où nous avions vu s’établir l’espèce de dieu terme vivant qui avait été placé là pour nous empêcher d’empiéter sur la propriété du cheik, il se trouva qu’il avait disparu. Nous constatons le fait, sans prétendre en tirer aucune induction fâcheuse pour la vertu de nos voisines, quoique, si nous nous en rapportions aux discours que les cavaliers nous tinrent le lendemain matin, nous serions autorisés à croire que les dames de Hamza ne sont pas très farouches. Nous aimons mieux penser que les hommes sont fats partout, sous le burnous comme sous le frac.

Le 31, nous quittâmes Hamza, accompagnés de nos quatre cavaliers, qui nous menaient à la recherche d’Abd-el-Kader. Nous traversâmes l’Oued-el-Ak’hal, et nous nous trouvâmes dans la province de Constantine. Notre direction fut d’abord vers le sud-est, mais nos guides ne tardèrent pas à la changer et à nous mener vers le mont Jurjura. Cette manœuvre avait pour but d’éviter de nous faire passer le long du fort de Hamza. Nous allâmes à un village nommé Ben-Abd-el-Rahhman, du nom du marabout qui en est le chef. Là se trouve une zaouya ou école religieuse ; l’émir y avait placé un de ses chiaouches pour empêcher les maraudeurs de l’armée de venir mettre les habitans à contribution.

Nous eûmes dans cet endroit des nouvelles précises de la position d’Abd-el-Kader, et, d’après les renseignemens obtenus par nos guides, nous reprîmes la direction du sud-est, et suivîmes la route qui conduit au désert. Après avoir traversé le bois de pins agrestes qu’on appelle Nougha, nous arrivâmes au pied des montagnes, au bord d’une rivière connue dans le pays sous le nom d’Oued-Nougha et d’Oued-el-Hamman. L’émir, qui avait été informé de notre approche, nous envoya des cavaliers pour nous annoncer que l’armée