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déjà obtenus, et nous regrettons de ne pouvoir les faire connaître en détail à nos lecteurs. Voici comment M. Augustin Thierry, avec son admirable talent d’écrire, les a résumés lui-même, après avoir mentionné les services et les noms de toutes les personnes que le zèle de la science a liées d’une façon plus ou moins étroite à ce grand travail.

« Ce concours d’efforts dirigés de tant de points vers un centre unique, ces travaux libres, cet empressement désintéressé, offrent, si je ne m’abuse, quelque chose d’imposant. Toutefois, monsieur le ministre, je dois l’avouer, et je le dis avec un profond regret, la France n’est pas là représentée tout entière ; trente départemens ont fait défaut. Votre appel comme le mien a été nul pour eux ; il n’en est sorti ni une lettre, ni un envoi, ni un indice quelconque. Dans beaucoup de préfectures, nos circulaires sont allées simplement grossir l’amas des papiers de rebut. Et pourtant, quoi de plus digne de la sollicitude des magistrats de la France nouvelle que les nobles efforts qui se font de toutes parts pour recueillir et enregistrer les souvenirs d’un passé qui n’existera plus désormais que dans la mémoire des hommes ? Il faut que le pieux effroi qui a saisi quelques ames à la vue de l’imminente destruction de nos monumens nationaux devienne un sentiment public ; il faut que chacun se fasse conservateur de cet héritage de nos aïeux, comme il l’est de la fortune de l’état et de sa fortune particulière. À cet égard, monsieur le ministre, l’exemple que vous donnez devrait être une leçon et une loi pour tous.

« Dans le rapport que vous avez fait au roi sur le budget de votre ministère, vous avez eu la bonté de mentionner le recueil que je dirige, en l’appelant un vaste travail. J’espère que les résultats obtenus depuis un an ne paraîtront point démentir cette expression flatteuse. J’ai rassemblé, soit en copies textuelles, soit en bulletins sommaires, dix-huit mille pièces, dont les deux tiers au moins sont inédites. La collection des copies qui s’accumulent de jour en jour dans les cartons de votre ministère forme le noyau d’un nouveau cabinet des chartes, supplément nécessaire de celui de la Bibliothèque royale, et d’un intérêt unique, à cause de sa spécialité. Jamais pareille masse de documens inédits n’a été réunie sur un point quelconque de notre histoire ; et même, dans leur état actuel, tout incomplets et provisoires qu’ils sont, ils peuvent servir à étudier sous des aspects entièrement neufs l’ancienne organisation municipale, les vieilles associations de la bourgeoisie, toutes les origines du tiers-état. Ils révèlent l’immensité des richesses que, malgré l’injure des siècles, l’incurie des hommes et les dévastations politiques, les archives de France possèdent encore sur cette portion la plus obscure et la plus curieuse des annales de la société moderne. Je voudrais pouvoir promettre sur-le-champ la publication d’un volume, et je fais tous mes efforts pour en avancer le terme ; je ne sais si l’infatigable Brequigny allait plus vite ; je serais tenté de croire que non, et d’ailleurs, monsieur le ministre, pour marcher sûrement au but dans de semblables entreprises, il faut de toute nécessité joindre la patience au désir.

« Depuis le jour où un homme d’état, dont le nom est grand dans la science, me transmit l’idée de ce recueil vraiment national, et m’en confia l’exécution, des obstacles de tous genres ont été traversés, d’énormes difficultés vaincues. Maintenant le travail est organisé, les rôles sont distribués et remplis ; il y a un concours de zèle et d’efforts, il y a une méthode, une règle, des traditions qui, s’établissant et se fortifiant de plus en plus, doivent donner, pour la mise en œuvre définitive, des procédés certains et invariables. Je viendrais à