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REVUE. — CHRONIQUE.

gique ? Belgique. À cet égard, j’ai déjà fait mes preuves. Je répondrai : Contre la Belgique, jamais ! » — Le correspondant de la Gazette d’Augsbourg déclare que ces paroles de M. Molé l’ont fort étonné : « On trouve ici, ajoute-t-il dans un langage peu digne d’être réfuté, que le comte Molé aurait mieux fait de se taire que de prendre ainsi ouvertement et inconsidérément fait et cause pour la Belgique. » Le reste de la lettre que nous allons citer est du même ton : « Il n’est certainement point d’une bonne politique, ajoute le correspondant, de se mettre ainsi prématurément en scène, et de faire une pareille profession de foi politique, au moment même où, de toutes parts, on redouble d’efforts pour concilier les différends élevés entre la Belgique et la Hollande. Cette démarche n’est certainement pas propre à disposer favorablement les autres puissances pour la France, et ne peut, par conséquent, que nuire à la Belgique, dont le comte Molé se croit appelé, en toute occasion, à prendre la défense. »

Ainsi, tandis que les journaux français accusaient le ministère d’abandonner la cause de la Belgique et de céder à toutes les prétentions du roi de Hollande, soutenu par ses alliés, les journaux allemands parlaient un tel langage ! On ne peut s’empêcher de sourire en voyant le journaliste allemand accuser M. Molé de parler avec légèreté à la tribune, et d’émettre inconsidérément ses paroles ! La Gazette d’Augsbourg traite, plus loin, de faute la déclaration de M. Molé, et c’est, dit-elle, un terme modéré qu’elle emploie en la qualifiant ainsi. Nous serions bien tentés, à notre tour, de nous servir du terme non modéré que la gazette allemande n’emploie pas, pour qualifier ses propres réflexions sur les paroles du ministre des affaires étrangères. Il faut être, en effet, étrangement aveuglé pour voir dans ces paroles un élément de trouble et de division. A-t-on jamais pu s’attendre, de l’autre côté du Rhin, que le gouvernement français abandonnerait, sans discussions et sans efforts, la cause de sa plus proche alliée, la Belgique ? et le respect des traités dont la France a donné l’exemple depuis 1830, a-t-il rien de commun avec l’insouciance et la faiblesse qu’on voudrait lui voir en cette occasion ? La Gazette d’Augsbourg dit encore : « Nous savons très bien à quels moyens les ministres, dans les états constitutionnels, sont parfois forcés d’avoir recours pour se maintenir en place ou faire adopter leurs vues. L’on pourrait donc, sous ce rapport, chercher à excuser le comte Molé, s’il n’avait point d’ailleurs tenté, avec jactance, d’exciter certaines sympathies, et pris un ton qui, dans la situation actuelle de la France, ne peut plus convenir à quelque ministre français que ce soit. »

Nous répétons à dessein les phrases de la Gazette d’Augsbourg, tant elles sont curieuses. Quel que soit le correspondant qui les lui a adressées, on peut lui demander ce qu’il y a de changé dans la situation de la France, depuis que le ministre dont elle cite les paroles disait aux ambassadeurs étrangers qu’une armée française entrerait en Belgique dès qu’un soldat prussien s’y montrerait. Serait-ce, par hasard, que la France, alors livrée aux émeutes et déchirée par les partis, a repris sa tranquillité, et, par conséquent, toute sa