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ESPRIT DE LA SESSION.

reux progrès tant à elle-même qu’aux dispositions du public. Un peu plus d’animation et de vie a coloré la profondeur habituelle de ses délibérations ; les vivacités oratoires de quelques opposans ont formé un contraste brillant et utile, tant avec l’attitude grave de la majorité qu’avec les travaux solides et lumineux d’hommes souverains dans certaines matières. Ainsi, sur la conversion des rentes, le rapport de M. Roy et le discours de M. Humann ont certainement atteint les dernières profondeurs de la question dans ses deux faces. De son côté, le public s’est mis à prêter plus d’attention aux débats de la chambre des pairs ; il s’est inquiété davantage de ce qu’elle pouvait penser ; il a plus remarqué les divers talens, les aptitudes administratives, les mérites scientifiques, les services militaires, qui en font la force et l’honneur, et l’on peut affirmer que, pour la seconde chambre, commence dans le pays, une ère de justice et d’intelligence politique.

Dans le calme les masses sont toujours justes. De profonds ressentimens ou des exaltations, même généreuses, peuvent les entraîner, dans des temps d’orage, loin de l’équité ; mais dans les époques paisibles et normales, le public retrouve toujours le sens du vrai. Alors, par un singulier contraste, il arrive parfois qu’au milieu de la tranquillité générale, quelques individualités s’exaspèrent : silencieuses ou modérées quand la tempête grondait, elles éclatent et s’emportent au sein du calme universel : on les dirait plus remuées par de petites choses qu’elles n’ont été par de grandes ; et on pourrait les croire plus préoccupées d’elles-mêmes que des autres.

Ceux qui désirent sincèrement le développement naturel de nos institutions, doivent se féliciter du crédit croissant de la chambre des pairs ; car les progrès que fait la seconde chambre, tant dans la gravité de ses débats que dans l’opinion publique, complètent la constitution ; et ce n’est pas un des moindres fruits de la session de 1838, que d’avoir entamé sérieusement cette œuvre nécessaire. L’esprit de la charte est de faire siéger, à côté de l’assemblée démocratique, une seconde chambre qui représente l’élément conservateur dans l’ordre social, sans aucun mélange de tendance contre-révolutionnaire. Quand le pays sera convaincu, et cette conviction commence à se former, que la chambre des pairs n’est pas moins dévouée que la chambre des députés à l’ordre politique fondé par la révolution de 1830, et que ses résistances ou ses ajournemens constitutionnels sont purs, comme ils le sont, de toute intention contre-révolutionnaire, alors il donnera non-seulement son approbation, mais sa fa-