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rité n’a pas été servile, le cabinet a eu aussi son indépendance ; il y a eu accord sur les principaux points politiques, et des dissidences qui n’avaient rien de radical et n’allaient pas au fond des choses. Le ministère du 15 avril peut donc répondre, comme le ministère du 11 octobre, et même en lui empruntant ses paroles, qu’il est parlementaire.

Si quelque chose cependant a pu revêtir d’une nouveauté spécieuse l’ancien reproche que les harangues de la tribune avaient tant usé, c’est que dans l’opposition figuraient pour la première fois quelques individualités remarquables. C’est sans doute un inconvénient pour toute administration d’avoir contre elle les agressions positives ou le silence improbateur de quelques talens éprouvés : mais c’est aussi une rude atteinte portée à l’influence de quelques hommes, que l’impuissance manifeste d’entraîner les autres après soi quand on s’est jeté en avant. Quelques personnages parlementaires ont pu cette année ressentir ce déplaisir : sans eux les affaires se sont faites ; sans eux, sans leur concours, soit à la tribune, soit dans les bureaux, des lois importantes ont été votées ; et on a su résister à leur action, aussi bien que s’en passer. Les individualités qui se croient les plus fortes doivent avoir la prudence de ne pas mettre le marché à la main aux majorités. Les sociétés vont vite aujourd’hui ; elles n’ont le temps de s’arrêter ni pour attendre, ni pour fléchir personne.

Le mérite et le caractère de la session de 1838 est d’avoir reflété fidèlement la situation du pays. La France déjà depuis deux ans éprouvait un dégoût complet pour les déclamations surannées et les exaspérations oratoires des vieux partis : la tribune de 1838 n’a pas retenti d’une seule tentative de ressusciter des lieux-communs impuissans. La France déjà depuis deux ans avait tourné son esprit et ses forces vers les grands travaux de l’industrie ; la chambre de 1838 a commencé de faire pénétrer ces tendances dans la vie constitutionnelle. Tout ce qui s’est fait depuis six mois a porté l’empreinte de la réalité ; on est sorti des agitations factices pour entrer dans une activité paisible et régulière. Tout atteste la sincérité de ce qui s’est passé dans la sphère parlementaire, jusqu’aux incertitudes et aux contradictions qui ont pu se manifester sur quelques points. Les pouvoirs ont usé, dans leurs rapports, de bonne foi et de liberté,

Voilà qui nous amène à considérer un instant la chambre des pairs. L’assemblée du Luxembourg n’a point à se plaindre de la session de 1838, car elle a su, durant ces six derniers mois, acquérir plus d’autorité morale qu’elle n’avait encore fait. Elle doit cet heu-