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l’avarice de la cour de Rome ; la dixième, avec des noms de bergers, a pour sujet une dispute théologique entre deux carmes. « L’un, dit Fontenelle, est de l’étroite observance, l’autre mitigé ; Bembo est leur juge. Ce qu’il y a de meilleur, c’est qu’il leur fait ôter leurs houlettes, de peur qu’ils ne se battent. » Dans la chaleur de la dispute, un d’eux s’écrie :

Tua quæ dona darentur amatæ


Un berger ne s’en fâcherait pas, mais un religieux ! L’autre s’explique ; il s’est trompé de mot : il a dit amatæ pour amitæ. On voit que la muse du Mantouan est aussi puérile que grossière ; mais telle n’était pas l’intention du poète qui a fort sérieusement travesti, dans ses monacales et lourdes églogues, son compatriote Virgile.

Ce n’est point de ce style que Politien imitait Virgile dans sa Manto, lorsqu’il appelait la jeunesse toscane à l’étude des Bucoliques ; c’est d’un autre style aussi que Pontanus racontait à sa manière, dans son Uranie, la naissance du grand poète qu’il imitait. Pontanus, né en 1426, et mort en 1503, vivait à Naples, où il n’était pourtant pas né. Des circonstances heureuses l’avaient fait arriver à la faveur et à la confiance des princes aragonais, sous lesquels il parvint aux plus grands honneurs, aux emplois d’ambassadeur et de premier ministre. L’ambition le poussa plus tard à l’ingratitude, et il n’eut pas honte d’abandonner ses anciens maîtres pour le conquérant Charles VIII. Il mêla aux affaires la culture des lettres, et se montra savant distingué et surtout poète élégant et spirituel. Il fut comme le second fondateur de l’académie établie à Naples par son maître, Panormita, et connue depuis sous le nom d’Académie Pontanienne

Ses églogues sont surtout consacrées à l’expression de ses malheurs domestiques ; il y pleure sa femme, comme dans son poème d’Uranie il regrette sa fille. Une autre longue pièce, la Lepidina, n’a pas un caractère aussi triste ; c’est une suite de tableaux rustiques, de scènes mythologiques et d’épithalames, le tout en l’honneur de quelque noce princière de la maison d’Aragon. Ces pièces sont pleines de souvenirs antiques, écrites quelquefois avec élégance et talent, mais assez mal composées et au fond sans intérêt ; il s’y rencontre de nombreux détails locaux, mais non pas avec le charme qu’ils ont dans les vers de son élève Sannazar.

Jacques Sannazar, né à Naples en 1458, annonça de bonne heure des dispositions extraordinaires pour les lettres, et fut admis, dès sa première jeunesse, dans l’Académie de Pontanus. Un caractère mé-