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DE L’ÉGLOGUE LATINE.

plus bucolique : on l’attribue au Vénérable Bède, savant du VIIe siècle, ou à Milon, moine de Saint-Amand. Le Printemps et l’Hiver plaident leur cause devant un tribunal de bergers ; Palémon prononce en faveur du Printemps. Cette pièce, très insipide, est d’un art fort grossier ; on n’y célèbre pas le rossignol, mais le coucou, cuculus, ce qui l’a fait quelquefois désigner sous ce nom.

Nous arrivons enfin aux églogues latines de Pétrarque. Elles sont au nombre de douze, toutes imitées de Virgile. Mais ce que Pétrarque emprunte surtout à son modèle, c’est le système allégorique dont il avait donné le fâcheux exemple et qui finit par faire de la pastorale simplement un cadre, une forme de composition et de style. Cette forme, Pétrarque s’en sert pour se mettre en scène avec les personnages de son temps, que ses églogues, véritables satires religieuses et politiques, n’épargnent guère. Mition y représente le pape Clément VI ; saint Pierre, sous le nom de Pamphile, y fait la leçon à un berger moins curieux de ses devoirs de pasteur que du luxe et des plaisirs, et dont l’épouse mondaine ne ressemble guère à celle de Pamphile, c’est-à-dire à la primitive église. La plupart des églogues de Pétrarque sont de ce genre ; il y censure indirectement les vices de la cour d’Avignon, transformée tantôt en nymphe, tantôt en courtisane. Ces attaques allégoriques offrent aujourd’hui plus d’une énigme à la critique historique, que de tels ouvrages intéressent plus que la littérature, et surtout la littérature bucolique.

Les idylles, latines aussi, de Boccace sont composées dans le même esprit que celles de Pétrarque, son maître ; tout y est allusion, jusqu’aux noms des personnages ; elles ont toutes pour sujet des faits de la vie du poète ou de l’histoire de son temps. Ainsi la cinquième pièce, Sylca cadens, figure la ville de Naples désolée, dépeuplée et presque abattue par le chagrin que lui cause la fuite de son roi, Louis. Les troupeaux tristes et malades sont les habitans affligés. Les querelles de Florence et de l’empereur sont exprimées ailleurs par la dispute du berger Daphnis et de la bergère Florida. Dans cette sorte d’églogue, le style pastoral n’est plus qu’une espèce de chiffre historique.

Boccace, Pétrarque et Dante, en créant la langue nationale de l’Italie, n’y interrompirent pas, même pour eux, le cours de la littérature néo-latine. Les poètes latins y abondent au XVe et au XVIe siècle. Le latin, objet de leurs études, était comme leur langue naturelle, et la confiance manquait d’ailleurs dans l’italien qu’on croyait destiné à passer, à tomber à l’état de patois, comme