Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/397

Cette page a été validée par deux contributeurs.
393
DE L’ÉGLOGUE LATINE.

toujours cette espèce de placage qui mêle le familier à l’élégant, mais sans les fondre ensemble, comme chez Virgile.

Dans le Mycon, qui est la cinquième pièce du recueil, un vieux berger donne à son jeune fils Canthus des préceptes sur tout ce qui concerne sa profession, sur l’art de conduire les brebis et les chèvres, de les traire, de les tondre, de les soigner, de les nourrir à l’étable ; enfin, il lui expose ce qu’il faut faire en chaque saison, à chaque heure du jour. Un commentateur de Calpurnius, Kempher, a voulu joindre cette églogue à celles qu’on peut reconnaître comme allégoriques ; il a vu dans Mycon l’empereur Carus, sans doute, donnant des leçons de gouvernement à ses deux fils Carin et Numérien. Wernsdorf y voit, avec bien plus de raison, une imitation du troisième chant des Géorgiques. Il s’y rencontre, comme ailleurs chez le poète éclectique, d’autres centons, par exemple, de Tibulle. Le style dont sont revêtus en général ces préceptes est élégant, sauf quelques passages négligés ou altérés, qui manquent de correction et de clarté. Mais cette élégance didactique convient-elle à un vieux berger, qui naturellement emploierait le mot propre en parlant de son métier ? Et puis, la supposition de cette sorte de leçon donnée ainsi tout d’une haleine, est-elle bien vraisemblable ? n’est-ce pas plutôt en détail et par la pratique que ces choses peuvent s’apprendre ? Quant à la critique de Wernsdorf sur le sujet même, qui lui semble contraire aux lois du genre, en ce qu’il peint la réalité du métier de pasteur plutôt que cette vie de loisir et de liberté que doit exprimer, d’après l’âge d’or, la poésie bucolique, elle me semble d’une poétique fort étroite. Le vrai défaut de cette pièce, c’est plutôt le manque d’intérêt et de vraisemblance.

Il ne nous reste plus qu’à parler de la dixième églogue intitulée : Pan ou Bacchus. C’est un calque évident du Silène de Virgile, non-seulement dans quelques expressions de détail, mais même dans le dessin ingénieux de la pièce. Pan célèbre dans un charmant morceau, toujours un peu vulgaire, la naissance de Bacchus et les premières vendanges. Calpurnius, par la grâce minutieuse des détails, s’y rapproche plus d’Ovide que de Virgile. On y remarquera surtout le délicieux passage où le poète s’est complu à peindre Bacchus enfant dans les bras de son père nourricier.

En résumé, Calpurnius, comme nous l’avons plus d’une fois répété, innove heureusement, en ce qui concerne l’invention, le dessin, dans l’imitation qu’il a faite des dix églogues de Virgile, l’une après l’autre : il est moins heureux dans le détail où il rencontre sans cesse