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DE L’ÉGLOGUE LATINE.

beauté, le talent et la richesse ; puis il en vient à un sujet fort délicat, aux coups qu’il a donnés ; il offre alors réparation, et il arrive comme sans dessein, par un tour fort ingénieux, à une grave accusation contre son rival Mopsus. Il y a encore de charmantes choses dans le passage où il rappelle à Phyllis que ces mains, devenues coupables, lui ont autrefois offert bien des présens. Elles ramènent encore fort adroitement à un parallèle injurieux avec Mopsus, dont la misère ne peut rien offrir de pareil. Ici reparaît le familier, le grossier merum rus, comme dit Scaliger. Ce qu’on peut dire, c’est que l’artifice du mélange, plus caché chez Théocrite et Virgile, est ici plus sensible. Les derniers vers nous replacent spirituellement au point de départ de la pièce ; la vache est retrouvée, et cela est d’un bon augure pour les amours de Lycidas, qui retrouvera sans doute aussi sa maîtresse perdue. En somme, la fable et les détails de cette pièce sont fort agréables ; seulement on y distingue trop, comme dans les autres, la trace de l’imitation ; l’on y aperçoit trop clairement l’artifice qui mêle à la brillante élégance de Virgile la simplicité familière de Théocrite.

Le sujet de la neuvième églogue est encore érotique. C’est une jeune fille poursuivie à la fois par deux bergers, Idas et Alcon, qui, en son absence (ses parens l’ont prudemment enfermée), chantent alternativement leur passion, ou plutôt leurs désirs ; car c’est un amour fort sensuel que celui qui s’exprime dans cette pièce, modeste quant aux paroles, et au fond très impudente. Elle se rapproche de la deuxième, où deux bergers chantent alternativement leur maîtresse, et de la troisième, où un amant maltraité compose des vers pour fléchir sa belle ; on retrouve même ici des phrases prises textuellement de cette troisième églogue et que ne motive pas très bien la circonstance. Faut-il croire avec Wernsdorf que Calpurnius a voulu imiter Théocrite, qui, dans deux de ses Idylles, a répété le même sujet ? n’est-il pas plus simple de penser qu’il s’est imité et copié lui-même, comme cela est arrivé à tant d’autres, surtout chez les anciens ? D’ailleurs il n’imite pas que lui ; ses deux complaintes, du reste aimables et gracieuses, sont faites encore aux dépens de Théocrite et de Virgile. Calpurnius se montre adroit imitateur, sauf le passage irréfléchi où il donne un troupeau de mille vaches à un berger : Virgile avait seulement parlé de brebis,

Mille meæ siculis errant in montibus agnæ,


ce qui était déjà une très raisonnable fortune. Cette églogue n’est donc qu’un pastiche d’un bout à l’autre, et, ce qu’il y a encore de