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DE L’ÉGLOGUE LATINE.

blir. Varius, du reste, aurait brillé dans l’églogue par des mérites virgiliens, si ses compositions renfermaient beaucoup de vers semblables à ceux que le grand poète a imités de lui, mais qui ne faisaient point partie d’une pastorale, et qui appartenaient probablement à une sorte de récit épique sur la mort de César.

Une épître à Messala, qui offre de grands rapports avec la dédicace du Ciris, a été, ainsi que ce poème, attribuée à Virgile, et placée dans ses Catalecta. On y loue, chez Messala, l’homme de guerre et le poète, le poète élégiaque et bucolique, et la pièce se termine par un vœu modeste, celui d’atteindre à ses vers dictés par les dieux. Si elle était en effet de Virgile, et avait été adressée, comme le croit Heyne, à Messala jeune encore ; si elle ne contenait pas, comme on peut le soupçonner, de vers interpolés, on pourrait en conclure que Messala avait essayé avant Virgile de la poésie bucolique, et était plus que lui fondé à dire :

 Prima syracusio dignata est ludere versu
Nostra, nec erubuit sylvas habitare Thalia
.

Après Messala, vient Valgius Rufus. Horace, dans ses satires, le compte parmi les hommes de goût dont le suffrage le dédommage des méchantes critiques auxquelles il est en butte ; ailleurs, dans une ode où il le console de la mort d’une jeune esclave, il cherche à le ramener de la poésie élégiaque où se consume douloureusement son talent, à la poésie lyrique ou épique et aux louanges d’Auguste. Les scholiastes donnent à penser que cet ami d’Horace est le même Valgius Rufus qui, en 742, fut substitué avec Caninius Rebilus à deux consuls sortis de charge avant le temps : ils l’appellent consularis. Faut-il les en croire, ou, avec beaucoup de savans modernes qui l’ont fait sans preuve, distinguer un Valgius, personnage consulaire, prosateur, et un Valgius poète ? Weichert est pour l’avis des scholiastes, et ne reconnaît qu’un Valgius, homme distingué du temps, se délassant des affaires par les lettres, qui faisait des vers en amateur, comme Mécène, comme tant d’autres, et au mérite poétique duquel Horace a rendu un témoignage qu’il ne faut peut-être pas prendre à la rigueur. L’éloge de son talent épique, dans le Panégyrique de Messala, ce mot souvent cité, æterno propior non alter Homero, le placerait en un rang fort élevé, si cet éloge n’était d’abord singulièrement exagéré, s’il ne manquait absolument d’autorités anciennes pour le confirmer, enfin si l’on ne doutait de l’authenticité du morceau lui-même, non-seulement comme ouvrage de Tibulle, mais comme appar-