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beaucoup plus haut que celle de Snorre Sturleson. Il commença sa série des rois de Suède par Magog, petit-fils de Noë ; puis il descendit tranquillement jusqu’à Odin, tantôt à l’aide de quelques noms anciens, tantôt avec des noms qu’il imagina lui-même. Comme il était zélé catholique, il donna de grands éloges aux rois de Danemark, qui avaient régné sur la Suède et défendu les intérêts du clergé, et condamna sans miséricorde Gustave Wasa, le réformateur.

Son frère Olaus Magnus, qui écrivit aussi un livre d’histoire, adopta les mêmes théories, et fit du peuple suédois la souche de toutes les tribus de Goths et de Lombards, dont le moyen-âge nous a raconté les migrations lointaines, les batailles, les exploits. Ces deux ouvrages, qui attribuaient une si haute origine à la monarchie d’Odin, furent accueillis avec enthousiasme, et devinrent la base du système historique soutenu par les antiquaires du XVIIe siècle[1].

Cependant Gustave Wasa, qui sentait la nécessité d’opposer aux œuvres des prêtres catholiques des livres écrits selon les idées de la réformation, ordonna à Olaus Pétri de composer une histoire de Suède. L’ordre fut exécuté. Mais quelques opinions émises par l’auteur ayant déplu au roi, il proscrivit l’ouvrage tout entier, et défendit même aux savans de l’employer dans leurs recherches. Plus tard, le malheureux Olaus, qui d’abord avait été l’un des principaux chefs de la réformation, l’un des favoris de Gustave, fut accusé de haute trahison, condamné à mort, et n’échappa au supplice que par les sollicitations réitérées de ses amis et les prières de la paroisse dont il avait été nommé pasteur.

Son frère Laurentius Pétri, plus habile que lui, écrivit une autre chronique, où il sut ménager les susceptibilités du souverain. Toutes deux ont été imprimées dans les Scriptores (tome i et ii). Celle de Laurentius est une imitation de l’ouvrage d’Olaus, qui avait plus de nerf et de hardiesse.

Les discordes civiles qui agitèrent la Suède sous le règne d’Éric XIV, les efforts de Jean III pour abolir le protestantisme, les guerres de son fils Sigismond, suspendirent le mouvement des études historiques. On était trop occupé du présent pour songer au passé.

Le règne de Charle IX réveilla le goût des lettres. Lui-même était poète. Il composa sur sa vie une chronique rimée qui n’a pas grande valeur, il est vrai, mais qui annonce au moins des goûts studieux. Sous la minorité de Gustave-Adolphe, le gouvernement établit un comité d’antiquaires chargé d’étudier les annales primitives du pays, et nomma quelques historiographes. L’un d’eux était Arnold Messenius, le fils de cet intrépide poète Jean Messenius, qui voulait mettre toute l’histoire de Suède en drames ou en comé-

  1. C’est d’après ces deux ouvrages de Jean et Olaus Magnus qu’un Français, M. Jollivet, écrivit une Histoire générale très ancienne et merveilleuse des Suédois et des Goths internes depuis le roi Magog jusqu’au règne de Gustave-Adolphe-le-Grand, dernier mort. L’original de cette histoire, qui se compose de trente-cinq cahiers in-folio, se trouve dans les archives de Suède.