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DES ÉTUDES HISTORIQUES DANS LE NORD.

que beaucoup plus tard. Le Danemark avait, à la fin du XIIe siècle, deux historiens d’un grand mérite : Saxo le grammairien et Sveno Aggonis ; la Suède n’en avait encore aucun.

Peu d’histoires sont pourtant aussi variées, aussi dramatiques que celle de ce pays. Si on la prend dans les temps anciens, voici tous les mythes de dieux et de héros, les sagas glorieuses des rois, les contes aventureux des Vikingr, tantôt une tradition d’amour qui ressemble à un roman, tantôt une tradition de guerre pleine d’actions merveilleuses. Si on la prend dans les temps modernes, voici le long et douloureux tableau des guerres civiles enfantées par la réunion des trois royaumes ; voici l’expédition sanglante de Chrétien II, la prise de Stockholm long-temps défendue par une jeune femme, l’échafaud dressé dans les rues, et les plus nobles têtes de vieillards roulant sur le pavé. Voici Gustave Wasa, proscrit et fugitif, caché sous un habit de mineur, achetant ses années de gloire par des années d’infortune, et son fils Éric XIV, dont toute la vie ne fut qu’un long hymne d’amour et un long drame de douleur, pauvre poète que la voix d’une femme pouvait seule calmer dans ses heures d’angoisse, pauvre roi détrôné par son frère, conduit de forteresse en forteresse, et empoisonné dans sa prison. Ai-je besoin de dire ce que fut Gustave Adolphe, et sa fille Christine, et son valeureux successeur, Charles X, qui s’en alla, au milieu de l’hiver, à travers les glaces, assiéger Copenhague ? Qui de nous n’a lu l’histoire de Charles XII ? et qui de nous n’a entendu conter les aventures étranges de ce dernier roi de la famille des Wasa, de ce Gustave IV, qui, après avoir déclaré la guerre à l’Europe entière, voyageait en Suisse sur l’impériale d’une diligence.

Je ne connais, je l’avoue, aucune nation qui, dans des limites aussi étroites, ait joué un rôle aussi grand, qui garde dans son histoire tant de pages glorieuses, tant de faits mémorables, tant de rois illustres ; et cependant cette histoire fut long-temps méconnue et négligée. Tandis que l’Allemagne subissait l’influence intellectuelle des contrées méridionales, et réagissait sur le Danemark, la Suède restait à l’écart, immobile et silencieuse. Les écoles de cloîtres, les écoles de chapitres, dispersées çà et là, ne pouvaient exercer un grand ascendant. Les bibliothèques étaient pauvres et peu nombreuses. Quelques moines s’essayaient, dans leur retraite, à écrire des annales ; mais souvent le monde entier était, pour eux, concentré dans les intérêts du cloître. Ils racontaient, avec un soin minutieux, les évènemens accidentels de leur communauté, et laissaient passer, sans en tenir compte, les évènemens du royaume. Souvent ces annales, auxquelles les historiens modernes ont voulu avoir recours, ne sont autre chose que des registres de cérémonies religieuses, et lorsque parfois elles sortent de ce cadre étroit, lorsqu’elles racontent des faits nationaux, on ne peut accepter sans une grande réserve le jugement qu’elles portent sur les hommes ou sur les choses, car il est presque toujours dicté par des préjugés rigoureux.

Pendant long-temps il n’y eut pas d’autres archives que celles des couvens ; les actes du royaume n’étaient pas même enregistrés. Ce n’est qu’à partir du