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AFFAIRES D’ORIENT.

de la Ferronnays. Mais il avait à lutter contre un prince qui ne se croyait d’autre mission sur le trône où avaient brillé Louis XIV et Napoléon que de lui rendre l’éclat effacé du droit divin. Cependant, par suite des tendances générales de la restauration vers la politique russe, Charles X ne cessa, pendant toute la période de la guerre de 1828 à 1829, de témoigner à la cour de Saint-Pétersbourg les dispositions les plus amicales. Ce fut là une grande faute. L’Autriche avait la volonté d’intervenir entre la Russie et la Porte ; mais l’attitude du cabinet français lui en ôta le pouvoir : son dépit contre les Russes s’épuisa en sourdes intrigues et en armemens inutiles. Nous eûmes donc le tort de faire trop ou trop peu : il fallait être tout-à-fait Russes et marcher sur le Rhin, ou tout-à-fait Autrichiens et contenir les Russes sur le Danube. En ne nous déclarant pour personne, nous avons paralysé l’action de l’Autriche et de l’Angleterre, lâché le frein à la Russie, réduit la Porte au désespoir et avancé le terme de sa chute. Que cette faute nous serve de leçon pour l’avenir, et qu’aux premiers symptômes de la crise, nous soyons prêts à choisir entre le Nord et l’Occident. La Russie d’une part, l’Angleterre et l’Autriche de l’autre, s’efforceront de nous entraîner. Dans l’un et l’autre système, nous pouvons trouver gloire et grandeur. L’alliance occidentale s’accorderait davantage avec l’intérêt de l’Europe, l’alliance russe avec l’ambition du pays ; une politique prévoyante, modérée, conservatrice, conseille la première ; l’orgueil national, les intérêts de la civilisation générale, l’amour du grand, portent au système russe. La France pourra choisir.


Armand Lefebvre.