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l’empire sont, à ses yeux, des faits glorieux, mais consommés, et ils ne peuvent avoir d’autre héritier que le gouvernement constitutionnel.

Sur la république, le pays a prononcé par une répulsion manifeste, et il se trouve qu’en France cette forme d’association politique n’est ni possible, ni nécessaire. Les opinions démocratiques sincères reconnaîtront de plus en plus que les meilleurs moyens pour influencer le pays sont la pratique loyale de la constitution, le talent et la patience. Il pourra rester toujours quelques hommes qui s’opiniâtreront à prendre un mot pour une idée ; mais cet entêtement solitaire ne saurait avoir de puissance. Il y a bien aux États-Unis d’honorables citoyens qui regrettent hautement l’aristocratie ; il y en a même un qui a fait un livre sur l’excellence de la monarchie.

On peut donc reconnaître avec une satisfaction intime que les épreuves traversées n’ont pas été vaines, puisqu’elles ont édifié la raison publique sur les plus graves intérêts. Il est incontestable qu’à la monarchie représentative de 1830 le pays donne son adhésion et sa confiance ; que par elle, par le système des institutions dont elle est à la fois la cause et l’effet, il entend réaliser ses tendances et ses droits. Les partis, les hommes et les écrivains politiques ne peuvent retenir quelque crédit et quelque autorité qu’en reconnaissant hautement ce fait acquis. Cette nécessité est à coup sûr la sanction la plus éclatante qu’une constitution et un gouvernement puissent désirer et obtenir. Les commencemens des grands établissemens politiques sont toujours pénibles et périlleux. N’a-t-on pas vu aux États-Unis, en 1788, la constitution qui depuis quarante-huit ans gouverne l’Amérique, obtenir en sa faveur une si faible majorité que sans l’influence personnelle de Washington, il est certain qu’elle n’eût pas été adoptée. Et maintenant cette constitution développée par la pratique, est, suivant l’expression de Jefferson, la loi des lois. C’est que, pour leur honneur et leur stabilité, les sociétés humaines ne sont pas moins capables de réflexion et de sagesse que d’emportement et de passion.