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DE L’ÉGLOGUE LATINE.

dix églogues nouvelles (et elles ne sont pas toutes des églogues, témoin Pollion) sans y introduire, par forme d’allusion et d’allégorie, la littérature, la politique, ses propres affaires et les grands intérêts de Rome. Il y a, en outre, mêlé aux beautés bucoliques d’autres beautés empruntées à d’autres genres, des beautés lyriques, élégiaques, didactiques, épiques et dramatiques.

On trouve, en effet, du lyrique dans Pollion, dans la Pharmaceutria ; de l’élégiaque dans cette même pièce, dans Alexis, dans Daphnis, dans Gallus ; du didactique et de l’épique dans Silène ; du dramatique dans toutes, et c’est un des mérites principaux de ces petites compositions. Le poète excelle dans l’art de les exposer, de les nouer, de les dénouer, d’annoncer, de soutenir les caractères, d’éveiller l’intérêt. Quelquefois, comme aussi chez Théocrite qu’on en a mal à propos blâmé, ses pièces, par un art nouveau, sont une simple conversation, qui peint le loisir de la vie pastorale.

Ce qui, à le bien prendre, fait dans les Bucoliques le mérite éminent de Virgile, c’est l’artifice admirable de la composition et surtout du style. On pourrait appliquer à la simplicité de son style ce que Cicéron écrivait à Atticus : « Vous nous faisiez servir de simples légumes dans votre belle vaisselle, in filicitatis lancibus et splendidissimis canistris, olusculis non solebas pascere. » Rapin, qui cite ce passage, dit spirituellement que l’églogue doit faire comme Atticus. Ainsi faisait Virgile.

L’églogue latine, bien qu’épuisée par ce grand poète, ne finit pas avec lui. Nous suivrons l’histoire du genre jusqu’à Calpurnius, et plus loin encore. Nous ne l’abandonnerons même pas dans les derniers siècles de l’empire. Il se perpétuera pour nous à travers le moyen-âge et brillera de quelque éclat avec la renaissance. Nous ne manquerons point dans ce rapide tableau de noms connus ou oubliés, depuis Citerius Sidonius et Théodule, jusqu’à Pétrarque et Boccace, depuis Bède, Politien et le Mantouan, jusqu’à Pontanus et Sannazar.


Patin.