Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/215

Cette page a été validée par deux contributeurs.
211
MÉMOIRES DE LAFAYETTE.

l’aide surtout de toutes les fautes dont le parti opposé était capable et auxquelles il n’a pas manqué.

L’école doctrinaire paraît avoir réussi plus qu’aucune dans la solution politique actuelle, mais c’est beaucoup plus peut-être dans l’apparence en effet, et dans la forme que dans le fond ; elle-même le sait bien et paraît aujourd’hui s’en plaindre, un peu tard. Les habitudes glorieuses de l’empire ont laissé dans les mœurs et le caractère de la nation un pli qu’elles y avaient trouvé déjà ; en temps ordinaire, nulle nation ne se prête autant à être gouvernée, à être administrée que la nôtre, et n’y voit plus de commodités et moins d’inconvéniens. Sous les formes parlementaires, à travers l’équilibre assez peu compliqué des pouvoirs, et le jeu suffisamment modéré de l’élection, il y a une administration qui fonctionne de mieux en mieux et se perfectionne. Une bonne part des prédilections et de la philosophie de la société actuelle paraît être de ce côté. Sans s’inquiéter autant que d’ingénieux publicistes de l’endroit précis où se trouve le ressort actif du mouvement, la majorité de la société actuelle, de cette classe ou riche, ou moyenne et industrielle, sur laquelle on s’est principalement fondé, profite du mouvement lui-même ; sans faire de si soudaines différences entre ce qui s’est succédé au pouvoir depuis quelques années, elle semble trouver qu’en général le principe est le même et qu’on la sert à peu près à souhait.

« Et que mettrez-vous en place de la monarchie légitime ? » objectait-on, quelques mois avant août 1830, à l’une des plumes les plus vives et les plus fermes de l’opposition anti-dynastique d’alors. — « Eh ! bien, fut-il répondu, nous mettrons la monarchie administrative. » Le mot était profond et perçant ; la forme et les moyens parlementaires demeuraient sous-entendus.

Ceci revient à dire que la société paraît se contenter aujourd’hui d’être gouvernée en vue principalement de ses intérêts matériels et de ses jouissances ; que, pour peu qu’on ait envie de le croire, on la peut juger provisoirement satisfaite sur ses droits, tant la démonstration de son zèle est ailleurs. Et c’est à ce point de vue essentiel qu’on doit surtout dire que la révolution française est terminée, que ses résultats sont en partie obtenus, en partie manqués, et que l’esprit, l’inspiration qui l’a soutenue dans sa longue et glorieuse carrière, fait défaut. Dans la société civile on est à peu près en possession de tous les résultats voulus par la révolution ; dans l’association politique, il y a beaucoup plus à désirer ; mais enfin si l’on s’inquiétait en ce genre de ce qu’on n’a pas pour l’obtenir, si on le désirait réel-