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le montagnard en achevant son récit. Souples comme la belette, courageux comme les aigles, ils ne reculaient devant aucun danger. Aujourd’hui ils sont doux comme des moutons ; le taskman du duc d’Argyle leur coupe la laine sur le dos et ils disent merci. Croiriez-vous que chaque année les taskmen ramassent 8,000 livres dans notre île, 8,000 livres pour le duc d’Argyle… Oh ! les Mac-Leans sont trop bons ; c’est qu’aussi à l’école on commence à les fouetter de si bonne heure, qu’ils finissent par s’accoutumer à la honte. Et après tout, quels sont ces maîtres d’école qui les châtient ? de vieux domestiques de curés. C’est indigne ! Oh ! oui, chaque année les hommes dégénèrent et leur nombre diminue. Autrefois il y avait dix mille habitans au moins dans Mull ; aujourd’hui, combien y en a-t-il ? six à sept mille. Si cela continue, bientôt Mull ne sera plus habitée que par le bétail noir, les coqs de bruyère…

— Et les fabricans de kelp (potasse), fit son compagnon en l’interrompant et en nous montrant des feux allumés de divers côtés sur le rivage ; tenez, les voilà tous à l’ouvrage ; voilà bien un métier de vieilles femmes, ramasser des herbes, les faire sécher, les brûler et en tamiser la cendre ! et c’est là cependant ce qui fait vivre la moitié des habitans du pays qui mettent en coupe réglée les warecks de la mer. Oui, le kelp est la pâture des Mac-Leans.

La complainte de ces bonnes gens aurait sans doute continué long-temps encore, si nous n’étions arrivés au hameau de Bunessan, où nous fîmes halte et où nous cherchâmes un gîte pour la nuit.


Frédéric Mercey.