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SOUVENIRS D’ÉCOSSE.

semblait sortir du milieu des flots, elle fut frappée de terreur ; mais bientôt la curiosité prenant le dessus :

— Êtes-vous roi de ces contrées ? dit-elle à Mac-Lean.

— Je suis roi dans mon clan.

— Mais vous avez un souverain au-dessus de vous ?

— Mac-Donald est lord des Îles, et moi je suis lord de Duart.

La princesse espagnole fut satisfaite de ces réponses et peut-être plus encore de la bonne mine du jeune chef ; elle lui confia le gouvernail de la galère, et quand l’adroit et dévoué pilote l’eut conduite au rivage d’Iona, elle s’appuya sur son bras pour descendre de la galère et pénétrer dans le monastère.

Quand la princesse eut achevé ses dévotions, elle songea à retourner à la cour du roi son père ; mais comme ce prince lui avait ordonné de faire une visite à la cour du lord des Îles avant de retourner en Espagne, elle commanda à son pilote de la conduire à Dunstaffnage où résidait ce seigneur. Mac-Lean obéit, mais il resta à bord de la galère et ne voulut pas entrer dans le château. Là il eût été le vassal du puissant lord avec lequel il était en guerre, et comme la princesse allait s’éloigner :

— C’est donc le roi du pays que vous veniez voir, lui dit-il en soupirant amèrement.

L’Espagnole baissa les yeux, ne répondit pas, et pénétra dans le château.

Mac-Donald, lord des Îles, n’avait pas été moins frappé de la beauté de l’étrangère que les autres seigneurs du pays, et sa passion, pour être cachée, n’en était pas moins vive. Mac-Donald était d’ailleurs un chevalier déloyal et grossier. Il ne se contenta pas, comme l’aimable Mac-Lean de Duart, de soupirer et d’admirer la jeune princesse ; il lui fit brutalement l’aveu de son amour et lui offrit sa main que, comme on le pense facilement, l’Espagnole refusa avec dédain. Mac-Donald persista, mais en vain.

— Nous attendrons alors que vous soyez décidée, dit-il à la visiteuse avec un sombre sourire, et il la retint prisonnière.

Quand Mac-Lean de Duart apprit cette funeste conclusion de la visite de la belle étrangère, il sentit son cœur rempli tout à la fois de fureur et de joie. La colère du montagnard est prompte et terrible ; il est déjà vengé qu’on n’a pas encore entendu sa menace. La nuit même qui suivit le jour de l’emprisonnement de la princesse, tous les hommes du clan de Mac-Lean, capables de manier la claymore, étaient embarqués, et l’aube n’avait pas encore blanchi le ciel, que le château de Dunstaffnage, le lord des Îles et sa belle prisonnière, étaient tombés au pouvoir du seigneur de Duart. Jusque-là tout allait bien. La confusion et le désordre d’une scène de guerre avaient naturellement délié la langue de Mac-Lean, et l’attendrissement et la reconnaissance avaient succédé à la terreur dans le cœur de la princesse. De la reconnaissance à l’amour la pente est rapide ; bientôt la jeune Espagnole aima le brave Mac-Lean. Renfermés dans les murailles solitaires du château de Duart, ils avaient perdu l’idée de l’avenir, quand un ordre du roi d’Espagne vint som-