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dignités et les rendaient héréditaires. C’est alors que commença, dans l’ordre municipal, l’état de choses qui ne changea qu’à l’époque de la destruction du régime féodal, lors de l’établissement du parlement, en 1812. Au temps de Frédéric, la représentation nationale se composait de soixante-trois prélats, de cent vingt-quatre barons, comtes et seigneurs, et de quarante-trois députés des diverses villes. En 1297, ce parlement s’assembla à Messine, pour délibérer de la guerre à faire contre Jacques d’Aragon, qui fut soutenue vigoureusement ; à Catane en 1336, pour remédier aux désordres du royaume, et en 1376, pour promulguer des actes non moins importuns. C’était, cette fois, sous le roi Martin, et alors le parlement, mais surtout le bras baronial, gouvernait despotiquement la Sicile.

En ce temps-là, malgré les guerres soutenues sous Manfred, les vexations des Angevins, les désordres produits par les vêpres, un grand luxe régnait dans toute la Sicile. Les guerres civiles avaient appauvri quelques familles, mais le commerce avec l’Orient et avec l’Italie avait bientôt réparé ces pertes. Les rapports fréquens avec Constantinople, qui était alors le centre de la richesse et de la magnificence, influèrent long-temps sur les mœurs, et même sur le costume : celui des femmes était presque tout-à-fait grec. Elles portaient des pourpoints qui étaient de petites vestes courtes de drap d’or et de soie, des caleçons de soie et de gaze d’or, et leurs pelisses étaient garnies, selon leur rang, d’hermine ou de martre. Ces pelisses étaient ornées de bandes de drap couvertes de gros boutons de fil d’or, de filigrane d’argent et de perles. Leurs vêtemens étaient de couleurs diverses, et souvent ce qu’on appelait mi-parties. Elles portaient aussi des agrafes de perles et de longues chaînes d’or et d’argent. Celles qui étaient femmes de cavalier, ceignaient leur tête d’une guirlande de perles et de pierres précieuses enchâssée dans un cercle d’or et d’argent, en guise de couronne, tandis que les autres n’avaient que des capes garnies de franges. Les premières ne sortaient qu’en litière, ou à cheval sur des haquenées blanches, dont la bride était d’argent ou d’or, et la selle brodée d’or, de corail et de perles. Les hommes portaient les longues culottes des Barbares, à la mode des Scythes, des Persans et des Mèdes, tels qu’on les voit encore représentés à Rome sur la colonne de Trajan. Un pourpoint brodé, des bottes à hauts talons et une barrette ornée d’une plume complétaient leur ajustement. Les Arabes, les juifs, les Grecs, avaient leurs costumes nationaux. Les races ne s’étaient pas encore mélangées, et chacune d’elles gardait religieusement son type, ses mœurs et son caractère.