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LA SICILE.

avoisinans. Une loi du roi Frédéric prescrivait à tous les citadins de faire la surta ou ronde nocturne, et personne n’était exempt de ce service. Enfin le grand conseil municipal de chaque ville se composait d’un certain nombre de conseillers (à Catane, on en comptait vingt), élus chaque année deux par deux, en sorte que tout le conseil se renouvelait en dix ans. On les choisissait parmi les chevaliers, les chefs des familles des diverses corporations marchandes, et les autorités. L’administration entière de la ville était du ressort de ce conseil ; mais il ne pouvait établir d’impôt sans le consentement du prince.

Les rois aragonais avaient apporté en Sicile leurs lois et leurs coutumes, et les idées nouvelles répandues en Europe s’accordaient avec ces principes de gouvernement ; mais l’élection des charges municipales existait déjà de toute ancienneté en Sicile, et elle se faisait sur des bases assez larges. Voici comment elle avait lieu à Catane et dans d’autres grandes villes. Les magistrats du grand conseil étaient élus à la majorité des voix, et tous les citoyens sans exception pouvaient être proposés. Le conseil désignait à la pluralité des voix un collége d’électeurs. Ceux-ci formaient des listes de candidats à tous les emplois municipaux. Le conseil s’assemblait et donnait un avis sur chacun des candidats, par écrit, non secrètement, mais à bulletin ouvert, pour éviter la fraude. Les noms des candidats qui avaient réuni la pluralité des approbations, étaient inscrits sur une cédule qu’on déposait dans une urne. Les autres étaient exclus. On tirait les noms de cette urne, et ceux qui avaient deux voix étaient déclarés aptes à être patrices ; ceux qui en avaient quatre, à devenir premiers juges, et ainsi successivement. Puis chaque série de candidats était mise à part dans une barrette ; alors la fortune entrait dans l’élection, comme dit un historien de Catane. Un enfant tirait au hasard un nom de chacune des séries, et le sort désignait ainsi le candidat qui devait être élu. La volonté générale et le hasard avaient, on le voit, une part dans cette opération. Il faut ajouter que les fonctionnaires, ainsi nommés, avaient besoin de l’assentiment du roi pour remplir les offices auxquels ils étaient appelés. Cet état de choses était déjà ancien en Sicile au commencement du XIVe siècle.

Le roi Frédéric, craignant que ces institutions municipales ne diminuassent pas assez l’autorité des seigneurs, et ayant sous ses yeux l’exemple des Ricos Ombres d’Aragon, qui tyrannisaient le souverain, confirma la loi fondamentale qui retirait aux cours baroniales le droit de juridiction suprême. Mais, sous les yeux même de Frédéric, les barons, maîtres du gouvernement, s’appropriaient les principales