établis dans toutes les parties du val Demone, vers le Phare, pour être plus voisins de leurs frères de la Calabre et de la Pouille. Les Arabes préféraient la côte méridionale, et les environs de Girgenti. J’ai dit aussi que chacune des races qui habitaient la Sicile, vivait sous un régime de lois différentes. Les naturels siciliens et les Grecs avaient conservé la loi romaine ; les Lombards se réglaient d’après le droit lombard ; les Sarrasins vivaient selon le Koran et la religion de Mahomet ; enfin, les Juifs vivaient selon leur loi religieuse, et on trouve encore en Sicile des chartes qui leur concèdent ce droit. Le code général des Siciliens ne fut compilé et promulgué que sous l’empereur Frédéric. L’esclavage fut aboli, les attachés à la glèbe admis à la jouissance des droits civils, la liberté d’épouser qui leur semblait leur fut accordée, et pour rendre cette transmission plus sensible, elle fut accompagnée de grandes solennités ecclésiastiques.
La grande quantité de Barbares venus en Italie avait fait perdre, dans le VIe siècle, l’usage de la langue italienne, qui n’était plus guère pratiquée que parmi les ecclésiastiques et les gens lettrés. Divers dialectes s’étaient introduits, et dans les villes d’Italie on parlait des langues différentes. Trois langues étaient communément usitées en Sicile. Les Siciliens, les Francs, les Lombards tenaient encore au latin. Les Juifs et les Sarrasins parlaient arabe, et les Grecs leur propre idiome. Les actes publics étaient conçus dans l’une de ces trois langues, ou dans toutes les trois à la fois. Enfin, à la cour des rois normands, le vieux français était en usage. De ce mélange de grec, de latin, de goth, de sarrasin, de normand, naquit la langue sicilienne. Les Siciliens assurent que de leur langue a dérivé le toscan vulgaire, et ils se prétendent ainsi, et peut-être avec raison, les fondateurs de l’art et du génie italiens. Plus tard, la langue et les mœurs espagnoles vinrent se mêler à toutes ces mœurs et à tous les dialectes qui ont fait du peuple de Sicile une race si curieuse à observer, même dans sa misère et dans sa nudité.
Les Sarrasins reparaissaient en Sicile chaque fois que les troubles intérieurs de l’île pouvaient favoriser leurs desseins. Ils étaient établis à Nocera, près de Salerne, dans le royaume de Naples, vieille cité tout arabe, et sous ses sombres arceaux de pierre il semble encore, le soir, qu’on voie passer les ombres des anciens Sarrasins. C’est à Nocera de Pagani, comme disent encore les habitans du pays, que Manfredi ou Mainfroi, vice-roi de l’empereur Conrad, roi de Sicile après Frédéric, alla les chercher pour se rendre maître de tout le pays de