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LA SICILE.

des familles sarrasines vaincues ou prises en guerre. Les vilains tenaient les terres des barons à titre de prestation annuelle ; les bourgeois qui possédaient des terres allodiales étaient libres, et n’étaient sujets que des magistrats institués par la couronne ; ils ne payaient ni collecte ni tribut, qu’une somme proportionnée à l’étendue de leur terre, que les bajulis, officiers royaux, étaient chargés de recouvrer. Cet état de choses dura huit siècles en Sicile. Pour la répartition des budgets, le grand justicier indiquait aux justiciers des provinces le montant de la somme à répartir entre les communes ; ceux-ci l’annonçaient aux bajulis, puis un grand conseil public désignait par l’élection deux citadins qui étaient chargés de répartir la somme votée, par feux et par famille. Les rapports constataient l’état et la valeur de tous les biens allodiaux soumis à la taxe unique, et l’administration, instruite avec exactitude du nombre des villages, de la quantité de leurs feux, de l’étendue des terres, et de leur population respective, pouvait établir ses calculs d’impôts avec précision. Pour les soldats, ils appartenaient aux familles féodales, et étaient tous décorés du ceinturon militaire, comme chez les Romains de l’empire, qui célébraient par un festin le jour où leurs enfans prenaient la ceinture de la cavalerie, qui paraît avoir remplacé la toge, ce signe de virilité dans des temps plus anciens. Le fils aîné du roi lui-même était tenu de porter ce signe distinctif. Une cérémonie religieuse avait lieu lors de la prise du ceinturon, et ceux qui le prenaient ainsi avaient le titre de regii milites. Depuis le règne de Frédéric, il y eut les milites litterati et les milites justitiæ, qui étaient des clercs ou des jurisconsultes auxquels on accordait la jouissance des priviléges militaires. Ce système encouragea beaucoup l’étude de la jurisprudence et des lettres, qui ont illustré tant de noms en Sicile. Une organisation à peu près semblable existait encore en Russie dans les premières années du règne actuel, et l’on y voyait des généraux civils. Enfin, les barons et les comtes étaient les feudataires du souverain, ils possédaient la majeure partie des terres qui avaient été concédées à leurs aïeux lors de la conquête, et avec ces terres, des vassaux et des droits politiques très étendus.

J’ai parlé des différentes races qui habitaient la Sicile, sous les Normands et la maison de Souabe ; c’étaient, outre les indigènes, des Grecs, des Sarrasins, des Francs, des Juifs et des Lombards. Ces derniers habitaient l’intérieur, particulièrement Nicosia, Randazzo, Butera, Aidone, Sanfraletto et Corleone. Les Grecs s’étaient