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toute la ville. Il fit donc enlever tout ce qui lui parut beau en fait d’antiques, tel que statues, bustes de bronze et de marbre ; et tout ce qu’il ne pouvait avoir de bon gré, il le prenait de force. On transportait toutes ces choses sur ses navires, et en sept jours qu’il resta à Rome, il recueillit plus de butin que n’en avaient enlevé les barbares en 258 ans.

Ayant achevé sa tâche et fait dépouiller le temple de la Concorde, qu’on nommait alors le Panthéon, de sa couverture d’argent, qu’il fit remplacer par du plomb, il cingla vers Syracuse, comptant se rendre de là à Constantinople, après avoir complété, en Sicile, sa collection d’objets d’art et d’antiquités. Sa tyrannie, son avarice et ses débauches soulevèrent tous les esprits en Sicile. Personne n’était sûr de garder ce qu’il possédait, non pas seulement ses biens, mais encore sa femme, ses filles et ses enfans. Un jour il entra dans les bains de Dafné, pour se laver. Un certain Andréa, Franc, qui exerçait le métier de baigneur, lui versa sur la tête un seau plein de lessive bouillante, et lui brûla ainsi la cervelle. On l’enterra dans les latomies de Syracuse, et l’armée élut pour empereur, à sa place, un Arménien nommé Mézence.

Constantin, le fils du dernier empereur, accourut en Sicile, pour combattre Mézence. C’était en Sicile qu’on se disputait l’empire de Constantinople, et dans ces jours-là, l’histoire de la Sicile est, en réalité, l’histoire romaine. Mézence fut tué, Constantin reçut le titre d’Auguste, et emporta à Constantinople toutes les dépouilles de Rome, entassées par son père à Syracuse.

Plus tard, quand Charlemagne voulut être couronné empereur à Rome, par le pape Léon III, le monde fut divisé en empires d’Orient et d’Occident. L’empereur Nicéphore eut la Sicile, la Calabre, la Pouille ; Charlemagne, le reste de l’Italie. En ce temps aussi, les Sarrasins eurent quatre émirs : l’un occupa l’Égypte et l’Afrique, deux d’entre eux se divisèrent l’Espagne, et le quatrième se fit seigneur de la Syrie et de la Palestine. Le monde se tranchait en grandes dominations, et la Sicile obéit long-temps aux empereurs de Constantinople, qui passaient vite, il est vrai. Ce furent Staurace, Michel le Curopalate, Léon l’Arménien, et son successeur Michel, qu’on nommait Balbo, parce qu’il était bègue. Il y avait long-temps que les noms glorieux ne convenaient plus aux successeurs de César et d’Auguste. Sous ce bègue, les Sarrasins jugèrent que le moment était favorable pour rentrer en Sicile. Ils débarquèrent près de Palerme, et s’en emparèrent, ainsi que d’un grand nombre de villes et de châteaux.