Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.
133
REVUE. — CHRONIQUE.

par M. Guizot et ses amis, la France sera puissante, riche, heureuse, et tout ce qu’elle n’est pas depuis le 15 avril, que le parti doctrinaire figure plus ou moins ostensiblement sur les bancs de l’opposition.

Nous n’enveloppons pas tout le parti doctrinaire dans ce panégyrique. Il y a dans ce parti, comme dans tous les autres, les illuminés et les hommes moins sérieux, des philosophes à la manière de Platon, et d’autres à la façon d’Épicure. Ces derniers, et M. Duvergier de Hauranne n’est pas du nombre, rient tout bas de la bonne foi et de l’ardeur avec laquelle leurs amis se jettent dans la défense des principes ultra-parlementaires ; ils prévoient bien qu’il faudra en rappeler quand on sera au pouvoir, mais peu leur importe. Ils savent bien que la ferveur des illuminés leur fera voir les choses autrement, et qu’ils seront du pouvoir avec le même feu, avec la même aigreur, qu’ils sont de l’opposition. Ceux-là ont la prétention de jouer la gauche, et de s’en faire un degré pour remonter au pouvoir ; les autres marchent franchement avec elle ; il est vrai que la gauche se rit d’eux, tout en acceptant ces tardifs élans de libéralisme, et qu’ainsi la partie se trouve égale des deux côtés.

M. Duvergier de Hauranne croit donc sincèrement que son parti a encore un système, et qu’ailleurs il n’y en a pas. On aurait beau lui demander ce qu’il y a eu en jeu dans cette session ; si les partis coalisés qui y ont figuré, et qui y ont parlé le même langage, quoique venus des zones les plus opposées du monde politique, représentent un système ; M. Duvergier n’hésiterait pas à répondre que oui, et même à le prouver. Aussi, ce n’est pas lui que nous espérons convaincre en lui répondant, encore moins ceux qui, dans son propre parti, rient tout bas de l’admirable franchise avec laquelle il soutient ses convictions.

M. Duvergier reconnaît que tout est régulier, que tout est constitutionnel, dans ce qui se passe aujourd’hui. Que se passe-t-il qui le choque ? Rien. Il ne saurait précisément le dire ; mais il y a quelque chose cependant. Plus il s’examine, plus il examine ses amis, et plus il voit que tout n’est pas à sa place. Que voudrait-il donc ? Il n’ose pas le dire. Rien ne s’oppose, en apparence, au libre jeu du gouvernement représentatif ; cependant il menace de devenir inerte et impuissant. M. Guizot disait aussi dans son dernier écrit que tout va s’amoindrissant, que les esprits sont inquiets, et qu’il faut penser beaucoup à ce qui se passe. Mais ni M. Guizot, ni M. Duvergier de Hauranne, n’indiquent le remède de ce mal qu’ils ressentent. M. Duvergier, qui n’a pas, comme dit M. Jaubert de M. Guizot, une position ministérielle à ménager, en dit un peu plus, toutefois. Il faut, dit-il, une majorité ; il faut, non-seulement des ministres, mais un ministère, un cabinet lié par des principes communs et par une confiance réciproque.

D’où vient donc que M. Guizot, M. Duvergier de Hauranne avec leurs amis anciens et nouveaux, n’ont pu, même en faisant de si larges concessions à la gauche, même en marchant jusqu’au-delà de M. Odilon Barrot, réunir cette majorité compacte qu’ils demandent. Le ministère serait à eux mainte-,