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de la poésie ; et l’improvisation ne justifie pas un tel scandale. Que M. de Lamartine improvise, je le crois volontiers ; qu’au lieu d’écrire cent vers dans sa journée, il ait la prétention et la faiblesse d’en bégayer trois ou quatre cents, il n’y a là rien d’invraisemblable, et la lecture attentive de la Chute d’un Ange ne permet guère d’élever un doute à cet égard. Mais les vers improvisés ne doivent pas franchir le cercle de la famille. En échange de l’admiration qu’elle accorde à M. de Lamartine, la France a droit à quelques égards, et c’est la traiter avec ingratitude que de publier des vers écrits sans prévoyance, sans but déterminé. Si M. de Lamartine a voulu tenir une gageure, et prouver qu’en se moquant de lui-même et du public, il trouverait encore des lecteurs, je l’avertis qu’il a gagné, mais qu’il ne pourra cependant retrouver son enjeu tel qu’il l’avait mis sur table. Si grand poète qu’il soit, personne ne voudra plus croire qu’il aime vraiment la poésie, puisqu’il prend plaisir à gaspiller les riches facultés que le ciel lui a données. Fût-il le premier orateur, le premier homme d’état de son temps, dès qu’il se montre à nous comme poète, il n’a pas le droit de nous donner des vers improvisés dans ses momens perdus.


Gustave Planche.